Le mois d’avril 2017 a marqué le lancement des festivités du centenaire de la République d’Estonie. Deux événements sont à souligner : la visite du Premier ministre Jüri Ratas à Saint-Pétersbourg en Russie et l’organisation d’une randonnée à travers l’Estonie. Le 12 avril, le chef du gouvernement a participé à une cérémonie dans l’église luthérienne Saint-Jean, le lieu de culte de la paroisse estonienne. C’est de cette église qu’un cortège de 40 000 manifestants estoniens est parti le 8 avril 1917 en arborant le drapeau bleu-noir-blanc pour demander l’autonomie de l’Estonie au Gouvernement provisoire. Si elle a été saluée, la visite du Premier ministre a également fait l’objet de critiques en raison du contexte international actuel (crise syrienne). D’autres critiques (comme celles d’Eerik-Niiles Kross, Parti de la Réforme) ont visé l’argument selon lequel la manifestation célébrée aurait marqué l’une des premières étapes vers l’indépendance de l’Estonie quelques mois plus tard.
En Estonie, c’est le centenaire de la formation d’un territoire estonien uni qui a été célébré. Jusqu’en avril 1917, l’Estonie actuelle était scindée entre l’Estlande au nord et la Livonie (avec le nord de la Lettonie) au sud. Le 16 avril 2017, une randonnée, qui marquait plus largement le lancement des festivités d’EV100 (Eesti Vabariigi 100, République d’Estonie 100), a été organisée le long de l’ancienne frontière.
À l’approche de la Fête des mères, célébrée chaque année en Estonie le deuxième dimanche de mai, une polémique est née autour de l’attribution du titre de Mère de l’année (par l’Union des femmes – Eesti Naisliit) après qu’il a été révélé que seules les mères mariées et dont les enfants sont du même père étaient éligibles à ce titre. Cette condition a fait l’objet de vives critiques. La président de la République Kersti Kaljulaid et le président du Riigikogu Eiki Nestor ont rappelé que le mariage n’était pas une condition pour que des enfants soient éduqués correctement. Sans vouloir intervenir dans la vie de l’association chargée du titre, Eiki Nestor s’est même dit prêt à créer un prix alternatif. De son côté, le groupe Naised Köögis, composé notamment de la poétesse Kristiina Ehin, a publié un rap critiquant les règles de la “compétition”.
Fin avril marquait également le dixième anniversaire des événements qui se sont déroulés à partir du 26 avril 2007, lorsque le gouvernement estonien a décidé le déplacement du Soldat de Bronze, monument aux morts soviétique situé dans le centre de Tallinn. Le projet du gouvernement, contesté par les russophones d’Estonie, avait entraîné plusieurs nuits d’émeutes à Tallinn et ailleurs dans le pays. Outre les multiples dégâts matériels dans la vieille ville, un jeune citoyen russe avait trouvé la mort. Dix ans après, l’affaire n’a pas encore été élucidée, ce qui provoque l’irritation des autorités russes qui appellent constamment le gouvernement estonien à faire plus d’efforts. Cette année encore, l’ambassade russe en Estonie a tenu une conférence de presse pour faire part de son inquiétude face à la lenteur de l’enquête estonienne. Au nouvel emplacement du monument, dans un cimetière militaire à l’est du centre-ville de Tallinn, quelques gerbes ont été déposées par des membres de Garde de Nuit (groupe formé pour protéger le monument lorsque les tensions s’étaient accrues avant avril 2007). Cet anniversaire a enfin été l’occasion pour les médias de revenir sur les événements et d’interroger les forces de police à propos des mesures prises pour éviter que de tels débordements se reproduisent.
Sur la scène politique, les changements de dirigeants se poursuivent. C’est au tour du Parti libre (Vabaerakond) d’avoir un nouveau président. Président depuis la fondation du parti en 2014, Andres Herkel a été remplacé par le producteur et scénariste et député depuis 2015 Artur Talvik. Ce dernier fait régulièrement l’actualité en tant que président de la commission parlementaire de lutte contre la corruption. Du côté du parti IRL, le remplacement de Margus Tsahkna, l’actuel ministre de la Défense se profile. La ministre des Affaires sociales Kaia Iva et le député et ancien ministre de l’agriculture Helir-Valdor Seeder sont candidats pour lui succéder.
De son côté, le gouvernement a présenté plusieurs mesures ou stratégies. Tout d’abord, une taxe sur les boissons sucrées doit être mise en place. Outre des recettes supplémentaires estimées à 24 millions d’euros pour le budget de l’État, cette mesure doit inciter les fabricants à réduire fortement l’ajout de sucre dans leurs produits. Si le ministre de la Santé Jevgeni Ossinovski se dit confiant de l’efficacité de la mesure, les professionnels du secteur ont critiqué cette nouvelle taxe, estimant par exemple que son effet sur la consommation générale de sucre par les Estoniens serait limité.
Ensuite, l’exécutif estonien a adopté une stratégie budgétaire pour les années 2018-2021. Alors que l’Estonie est connue pour son budget public équilibré (parfois excédentaire), dogme porté pendant toutes les années où le Parti de la Réforme était au pouvoir, la nouvelle stratégie autorise un déficit budgétaire structurel de 0,5% du PIB. L’exigence d’équilibre ne disparaît pas, mais elle ne s’impose plus qu’en tant que moyenne sur une période de temps plus longue. Le gouvernement souhaite élargir ses marges de manœuvre, jugées actuellement trop limitées. La mesure a été critiquée tant par la Banque d’Estonie (son vice-président a estimé qu’il ne s’agissait pas là du meilleur moyen pour dynamiser l’économie) que par l’opposition (Parti de la Réforme) pour qui les déficits budgétaires reviennent à vivre au-dessus de ses moyens et sur le compte des générations futures. Le gouvernement a prévu de couvrir le déficit soit par l’utilisation des réserves soit par l’emprunt.