Le 24 novembre, le nouveau gouvernement estonien, dirigé par Jüri Ratas et formé par une coalition du Parti du centre, du Parti social-démocrate et de l’Union pour la Patrie Res Publica (IRL), est entré en fonction. C’est la première fois depuis 1992 qu’un gouvernement estonien est dirigé par le Parti du centre et la première fois depuis 2007 que ce parti intègre un gouvernement. Pour le Parti de la Réforme, une nouvelle ère commence car le parti siège désormais dans l’opposition, une première depuis 1999. Chaque parti membre de la coalition a obtenu cinq portefeuilles ministériels. Du côté du Parti du Centre, en plus de Jüri Ratas Premier ministre, Kadri Simson a hérité de l’économie et des infrastructures, Mailis Reps de l’éducation et de la recherche, Martin Repinski des affaires rurales et Mihhail Korb de l’administration publique. Du côté des sociaux-démocrates, Jevgeni Ossinovski reste ministre de la santé et du travail et Indrek Saar ministre de la culture, tandis qu’Andres Anvelt devient ministre de l’intérieur, Sven Mikser ministre des Affaires étrangères et Urve Palo ministre de l’entreprise et du développement économique. Enfin, les ministres IRL Urmas Reinsalu, Marko Pomerants et Sven Sester conservent leur portefeuille à la justice, à l’environnement et aux finances ; Margus Tsahkna devient ministre de la défense et est remplacé aux affaires sociales par Kaia Iva.
L’une des mesures annoncées les plus commentées est la volonté de modifier la politique fiscale en place. Jusqu’alors, tous les revenus (exception faite des premiers 2 040€ non imposés (2016), soit 170€ par mois) étaient imposés à hauteur de 20%. La nouvelle coalition souhaite augmenter au 1er janvier 2018 le seuil des revenus non imposés à 500€ par mois et introduire une dégressivité de ce seuil à partir de 1 200€ par mois. Pour les faibles revenus, cette mesure baisse l’impôt sur le revenu de 66€ par mois. Au-delà de 2 100€ par mois, ce seuil disparaît, ce qui se traduira par une perte de revenu de 38€ par mois. Ainsi, une (légère) progressivité de l’impôt est introduite en Estonie, marquant une rupture avec la politique suivie jusque-là.
De plus, le gouvernement a annoncé l’augmentation des taxes sur la bière. Actuellement de 8,30 centimes par litre (par degré d’alcool), la taxe sera augmentée de 65% pour atteindre 13,7 centimes. Cette mesure devrait être suivie par d’autres hausses en 2018, 2019 et 2020. En 2020, la taxe devrait atteindre 22,09 centimes, soit une hausse de 166% en quatre ans.
En revanche, les orientations en termes de politique étrangère et de politique de défense resteront inchangées. La nouvelle coalition a dû l’affirmer à plusieurs reprises alors que l’entrée au gouvernement du Parti du centre, un parti lié par un accord de coopération (inactif) à Russie unie, le parti au pouvoir en Russie, et au sein duquel se trouvent des partisans d’une politique plus pragmatique vis-à-vis de Moscou, a fait craindre un rapprochement avec la Russie.
Rapidement après son entrée en fonction, le gouvernement doit faire face à une première polémique après des révélations de l’hebdomadaire Eesti Ekspress contre Martin Repinski, le nouveau ministre des affaires rurales. Selon les enquêtes, l’entreprise de caprins du ministre située dans l’Ida-Virumaa aurait utilisé des produits laitiers venus des Pays-Bas pour produire des fromages « faits en Estonie ». Si le Parti du centre a soutenu le ministre dans les jours suivants, l’avenir de celui-ci à son poste de ministre sera décidé début décembre.
Dans l’armée, le chef d’État-major de la Marine a remis sa démission après la découverte par les douanes estoniennes d’une cargaison illégale d’alcool fort et de cigarettes sur le Sakala, un navire démineur estonien. Le commandant du navire concerné a également quitté ses fonctions et a demandé à être réaffecté.
Sur le plan judiciaire, la tenue d’un procès contre Edgar Savisaar se précise. Après de longs mois d’enquête, les procureurs chargés du dossier ont inculpé au pénal l’ancien président du Parti du Centre et maire suspendu de Tallinn pour détournements de fonds municipaux (à Tallinn), prises de pots-de-vin, blanchiment d’argent et réception massive de dons illégaux au profit de son parti politique. Sept autres personnes sont également impliquées dans ce dossier. De son côté, Paavo Pettai, qui a longtemps financé le Parti du centre a échappé à un procès au pénal grâce à sa collaboration avec les autorités judiciaires.
À l’approche des fêtes de fin d’année, les communes estoniennes ont achevé les préparatifs et de nombreuses villes sont illuminées et un sapin de Noël est dressé sur la place principale. Une fois encore, la ville de Rakvere se distingue par son choix de ne pas utiliser d’arbre naturel, préférant cette année une structure en bois rappelant une tour Eiffel sur laquelle sont accrochées des roues dentées mobiles. Le 27 novembre, de nombreuses cérémonies ont été organisées pour allumer la première bougie de l’Avent. Et dans un registre moins religieux, le début de l’Avent ouvre la période des päkapikud (lutins) qui apportent bonbons et friandises aux enfants sages.
Enfin, à l’étranger, en France plus précisément, l’Estonie a été à l’honneur, avec la Finlande, du festival Les Boréales organisé pour la 25e fois à Caen en Normandie du 17 au 27 novembre 2016. L’Estonie n’avait pas reçu tel honneur depuis l’édition de 2002. Artistes, écrivains, musiciens, créateurs, chercheurs ont présenté la culture estonienne en de nombreux lieux caennais et normands pendant deux semaines.