Après les élections municipales d’octobre, les conseils municipaux se sont réunis pour la première fois pour élire leur président et les membres de l’exécutif local (le maire et ses adjoints). À Tallinn, on a assisté à la mise en place d’une situation inattendue. Si une coalition avec le Parti social-démocrate a été envisagée, le Parti du Centre a finalement décidé de ne gouverner qu’avec ses 40 élus (ce qui constitue néanmoins la majorité absolue). Maire par intérim depuis deux ans, Taavi Aas est désormais le nouveau maire officiel de Tallinn et Mihhail Kõlvart, fort de son succès à Lasnamäe, est devenu président du conseil municipal. Deux surprises toutefois : la nomination d’Aivar Riisalu et de Züleyxa Izmailova à des postes de maire-adjoint. Ancien du Parti du Centre qui a rejoint le parti IRL en 2014, Aivar Riisalu était la tête de liste d’Isamaa ja Res Publica Liit à Tartu en octobre dernier. Z. Izmailova est quant à elle la présidente des Verts d’Estonie, parti dont la liste n’a obtenu que 2,4 % des votes le 15 octobre, loin des 5 % requis pour obtenir des élus.
L’actualité politique a été principalement marquée par la politique gouvernementale, en premier lieu sa politique fiscale, qui fait débat. À partir de janvier 2018, le plafond des revenus « imposés à 0 % » sera de 6 000 euros, contre 2 160 euros en 2017. Ce changement entraîne à une augmentation du revenu net de 768 € pour l’année pour tous ceux qui ont un revenu brut inférieur à 14 400 €. Pour les personnes dont le revenu brut est supérieur à 14 400 euros par an, ce plafond des revenus non imposés sera moindre. Une sorte de progressivité de l’impôt est donc introduite en Estonie. Par exemple, pour une personne avec un revenu de 20 400 €, le plafond sera de 2 664 €. Pour celles dont le revenu brut est supérieur à 25 200 €, l’intégralité des revenus sera imposée au taux de 20 % (soit une baisse du revenu net de 432 € par rapport à 2017). Ce nouveau système est critiqué par le Parti de la Réforme très attaché à un système à taux d’imposition unique. Selon les membres de ce parti, la réforme fiscale introduit un degré d’incertitude dans la vie des Estoniens habitués à un système simplissime puisqu’il sera impossible de connaître son plafond de revenus non imposés à l’avance. Si une personne paie moins d’impôts que nécessaire au cours d’une année (l’impôt sur le revenu étant prélevé à la source), elle pourrait devoir payer un complément d’impôt au moment de la déclaration de revenus (en raison de l’abaissement du plafond non imposé). Le système imposerait aux Estoniens de conserver une partie de leurs revenus dans l’optique d’un paiement potentiel d’un complément d’impôt (d’un maximum de 1 200 €, somme à payer en sus pour une personne qui pensait avoir un revenu brut de 14 400 € mais qui a finalement gagné 25 200 €). Ce concept est incompréhensible pour les libéraux du Parti de la Réforme.
Autre question de fiscalité : la taxation des produits alcoolisés. Déjà augmentés en février et en juillet, les taux appliqués doivent l’être une nouvelle fois en février 2018. Toutefois, cette politique est remise en cause par la différence (négative) entre les recettes espérées et les recettes réelles au cours de l’année 2017. Les rentrées fiscales supplémentaires espérées sont annulées par la baisse des ventes d’alcool en Estonie. Si cela peut sembler être une bonne nouvelle d’un point de vue santé, cela ne se traduit pas par une baisse équivalente de la consommation : la hausse des prix a eu pour effet de pousser les Estoniens à acheter leur alcool en Lettonie voisine où les prix sont deux à trois fois inférieurs. De manière plus générale, la question de la hausse des taxes sur l’alcool a entraîné un débat sur la question de la vie rurale : la politique du gouvernement est rendue responsable pour certains de l’exode rural et la désertification dont souffre l’Estonie. Avec la baisse des ventes d’alcool, le petit commerce local est menacé. Finalement, le gouvernement a décidé de limiter la hausse à 8 % (contre 17 % initialement).
Enfin, le gouvernement prévoit de mettre en place la gratuité des lignes de car intrarégionales subventionnées par l’État à partir du 1er juillet 2018. Une vingtaine de lignes interrégionales délaissées des transporteurs privés est également à l’étude. Toutefois, le flou demeure quant à la mise en pratique de cette décision. Surtout, il n’y a pas de consensus au sein de la majorité, ce projet de gratuité étant avant tout porté par la ministre de l’économie Kadri Simson (Parti du Centre).
Fin novembre, Teet Soorm et Mati Tuvi, deux anciens dirigeants de HKScan Eesti, filiale de l’entreprise agroalimentaire finlandaise HKScan et propriétaire des marques Rakvere et Talleeg, ont été interpellés et sont soupçonnés de blanchissement d’argent et de détournement. Les deux dirigeants avaient été démis de leurs fonctions à l’automne 2016. Au-delà de son aspect judiciaire, l’affaire a eu un écho particulier car Teet Soorm est le compagnon de Kadri Simson, l’actuelle ministre de l’économie. Certains, dont le quotidien Postimees, se sont interrogés quant à la nécessité pour la ministre de démissionner ou non. Globalement, l’ensemble de la classe politique a pris la défense de Kadri Simson, rappelant que les proches d’une personne soupçonnée ou accusée n’avaient à payer comme cela avait pu être le cas à l’époque soviétique.
Le 27 novembre, les quatorze marins estoniens, et 21 autres personnes, accusés en Inde de trafic de carburant, de possession illégale d’armes et d’entrée illégale en territoire indien, ont été acquittés par la cour d’appel de l’État du Tamil Nadu. Arrêtés en octobre 2013 à bord de leur navire de lutte contre la piraterie, le Seaman Guard Ohio, les marins ont ensuite été libérés sous caution au printemps 2014. Les chefs d’accusation sont dans un premier temps rejetés par la cour suprême du Tamil Nadu. Saisie, la cour suprême indienne renvoie un an plus tard l’affaire en première instance. En janvier 2016, l’ensemble de l’équipage est condamné à cinq de prison, une décision dont les marins font appel. Une demande de libération sous caution est rejetée. L’affaire est finalement jugée en appel à partir de l’automne 2016, le jugement est délivré un an plus tard. Les marins sont finalement libérés le lendemain, mais demeurent dans l’attente d’un éventuel pourvoi en cassation des procureurs indiens.
En sport, le pilote de rallye Ott Tänak a terminé troisième du championnat du monde 2017, le meilleur classement de sa carrière. Monté à sept reprises sur le podium, dont deux victoires, l’Estonien a contribué au titre de champion de monde obtenu par son équipe M-Sport, au sein de laquelle figurait également le Français Sébastien Ogier, champion du monde pour la cinquième année consécutive.
Du côté des sports d’hiver, un conflit qui opposait la fédération estonienne de ski et l’équipe privée Team Haanja, qui regroupe la majorité des skieurs de fond estoniens, a finalement été résolu. Les membres de l’équipe privée ont longtemps refusé un contrat imposé par la fédération, notamment pour une affaire de sponsors. Il a donc été un temps envisageable qu’aucun skieur estonien ne fût présent lors des étapes de la coupe du monde de ski de fond. En l’absence d’accord, les skieurs de Team Haanja étaient interdits de participation et aucun autre skieur estonien n’avait le niveau requis par la fédération ; une situation douloureuse au pays d’Andrus Veerpalu et Kristina Šmigun. Les problèmes résolus, trois fondeurs étaient sur les pistes de Ruka en Finlande pour l’ouverture de la coupe du monde.