Alors que les élections législatives ont eu lieu le 5 mars, ce n’est pas que le 30 mars que les résultats ont pu être officiellement proclamés. C’est en effet ce jour-là que la Cour suprême estonienne a rendu ses dernières décisions, dont ses avis concernant l’organisation du vote électronique, un sujet qui a animé les jours qui ont suivi le scrutin. Contestée notamment par le parti d’extrême droite EKRE, l’utilisation du vote en ligne a été validée par la plus haute instance juridique estonienne. Il faut néanmoins souligner que celle-ci a appelé le législateur à mieux inscrire cette procédure dans la loi afin d’éviter des contestations ultérieures. Après le rejet des recours, la Commission électorale a pu clore le chapitre des élections et marquer le début de la XVe législature du Riigikogu. Ceci fait, il en est revenu au chef de l’État de convoquer les nouveaux élus (ou les suppléants si un élu a renoncé à son mandat dans les cinq jours après la proclamation des résultats) pour une première séance plénière (qui aura lieu le 10 avril). Malgré l’attente des résultats officiels, le Parti de la réforme, vainqueur des élections, Eesti 200 et le Parti social-démocrate n’ont pas attendu pour lancer les négociations en vue d’un accord de coalition. Les trois formations espèrent en conclure un avant la première séance du nouveau Riigikogu.
Pendant trois partis négocient en vue d’un futur accord de coalition, les formations défaites se lancent, elles; dans un travail d’analyse de leurs résultats. Si rien ne semble se passer du côté d’EKRE, on peut noter la démission du vice-président d’Isamaa Tõnis Lukas. Les conséquences les plus importantes devraient avoir lieu au sein du Parti du centre. Alors que le prochain congrès de ce parti n’est prévu qu’en août 2024, une partie de la direction pousse pour qu’un congrès extraordinaire soit organisé dès 2023. Il en revient maintenant l’assemblée représentative du parti de prendre une décision lors de sa prochaine réunion mi-avril. Avant même cela, deux camps semblent se dessiner : l’un autour de Jüri Ratas, l’autre autour de Mihhail Kõlvart, le maire de Tallinn, qui a déjà annoncé sa candidature à la présidence du parti. Se dessinent donc encore plus qu’auparavant une ligne estonienne et une ligne « russe » au sein du parti. La cohabitation sera-t-elle possible à l’avenir (s’il est élu, Kõlvart peut-il éviter une trop grande centralisation du parti sur Tallinn ?) ou va-t-on voir une division de cette formation qui a payé le prix fort lors des législatives ?
Sujet qui a animé le parlement fin 2022 et début 2023, la loi dite du retrait des monuments soviétiques de l’espace public (officiellement loi modifiant le Code de la construction, la loi d’application du code de la construction et de la loi de planification et la loi sur le patrimoine public) adoptée le 15 février 2023 par le Riigikogu attendait sa promulgation par le président de la République. Le 7 mars, Alar Karis a fait savoir qu’il estimait que certains passages étaient soit contraires à la constitution soit manquaient de clarté. À l’origine de la loi, la ministre de la Justice Lea Danilson-Järg (Isamaa) a déploré le choix du président, jugeant qu’il s’agissait avant d’une décision politique et non sur le fond. Le président de la Commission des Affaires économiques Kristen Michal a lui jugé qu’il en reviendra au nouveau parlement de décider du sort de la loi. De son côté, le président d’Eesti 200, formation désormais forte de 14 députés, a estimé qui serait nécessaire de débattre de la réelle utilité d’une telle loi.
Pour la première fois depuis le déclenchement du conflit en Ukraine, la mort d’un citoyen estonien engagé dans la légion étrangère ukrainienne a été annoncée. Ancien officier de l’armée et engagé depuis l’automne 2022, Ivo Jurak est décédé près de Bakhmout. Selon les autorités, plusieurs dizaines d’Estoniens participeraient à la guerre.
Plusieurs affaires ont fait la Une en mars. Le 21 mars, les agents de la KAPO ont interpellé le directeur général de la Police et des Gardes-frontières Elmar Vaher et Eerik Heldna, actuel directeur du service des douanes au Service des Impôts et des Douanes, qui sont soupçonnés respectivement de complicité d’escroquerie et d’escroquerie. Selon les soupçons, Eerik Heldna, ancien fonctionnaire de police (jusqu’en 2017) serait revenu au sein de la police en 2019 afin de pouvoir bénéficier, une fois le nombre d’années requis atteint, de la retraite spéciale de policier. Toutefois, Eerik Heldna a été immédiatement détaché au sein du ministère de la Défense où il travaillait déjà depuis un an. Si la pratique du détachement est courante dans la police, les enquêteurs se demandent si le contrat signé au sein de la police n’était pas purement et simplement fictif. Dans les heures qui ont suivi, le ministre de l’Intérieur Lauri Läänemets a sans tarder écarté le directeur de la police. Cette mise à l’écart n’a cependant pas causé de vacance du poste puisque le mandat d’Elmar Vaher devait s’achever en avril. C’est son successeur désigné, Egert Belitšev, qui effectue l’intérim. Outre les affaires au sein de la police estonienne, à Bruxelles, l’Estonien Henrik Hololei, directeur général Mobilité et Transports au sein de la Commission européenne, a fini par démissionner après qu’il a été révélé qu’il avait bénéficié de voyages gratuits sur des vols de la compagnie qatarienne Qatar Airways.
En mars, la vie en dehors des villes a été au cœur du débat à travers la question de la survie des petites écoles dont beaucoup sont menacées de fermeture. Confrontées à des difficultés financières liées à la hausse du coût de l’énergie, du salaire des enseignants, certaines communes font le choix de concentrer les efforts sur un nombre réduit d’écoles. Par exemple, et ce malgré une mobilisation des habitants, l’assemblée municipale de la commune de Lääneranna (région de Läänemaa) a voté la fermeture de deux écoles, la disparation des classes de la 7e à la 9e classe dans deux autres et la disparation des classes de la 4e à la 9e classe dans une dernière. Dans la région de Võrumaa, ce sont les autorités locales de la commune de Rõuge qui se dirigent vers une refonte du réseau scolaire de la commune en fermant un certain nombre de classes et de lieux d’enseignement. Dans l’ensemble, dix des quinze régions estoniennes sont touchées par des fermetures d’écoles, ou au mieux des fermetures de classe.
Pendant que les futurs membres de la coalition gouvernementale cherchent à financer leurs promesses malgré la situation budgétaire difficile de l’Estonie (le déficit budgétaire prévu pour 2023 est de 3,9 % du PIB et la dette publique devrait augmenter et atteindre 33,3 % du PIB, un niveau inacceptable pour les partisans de l’austérité budgétaire), certains indicateurs montrent que l’économie estonienne demeure dynamique. Fin 2022, le salaire brut moyen s’est établi à 1775 euros, soit 9,2 % de plus qu’à la même époque en 2021. Les salaires ont augmenté le plus dans le secteur de l’hôtellerie et la restauration (+ 15,6 %), une hausse à relativiser toutefois puisque les salaires de ce secteur sont les plus faibles en Estonie (1058 € brut par mois). Enfin, l’inflation galopante qui a marqué 2022 « faiblit ». L’indice des prix à la consommation de février 2023 était 17,6 % plus élevé que celui de février 2022.
En sport, plusieurs Estoniens se sont distingués. Début mars, l’athlète Risto Lillemets a remporté la médaille de bronze de l’heptathlon aux Championnats d’Europe en salle qui se sont déroulés à Istanbul. Avec ce podium, Lillemets est devenu le cinquième Estonien médaillé lors de grands championnats internationaux (en salle ou en plein air) poursuivant ainsi la présence estonienne lors des épreuves combinées. Avant lui, Erki Nool (neuf médailles entre 1996 et 2002), Mikk Pahapill (2009), Maicel Uibo (2018 et 2019) et Janek Õiglane (2022) avaient connu les honneurs.
Mars marque la fin de la saison des différents sports de neige. Malgré un début de saison compliqué, le spécialiste du combiné nordique Kristjan Ilves a réussi à terminer une nouvelle fois à la cinquième du classement général de la coupe du monde de sa discipline, notamment grâce à deux podiums en mars. Sa saison a également été marqué par une quatrième et une sixième place aux Mondiaux de Planica (Slovénie). Aux championnats du monde de patinage artistique de Saitama au Japon, la patineuse Niina Petrõkina a obtenu le meilleur résultat d’une Estonienne dans une telle compétition avec une neuvième place finale. De leur côté, l’Estonien Marko Gaidajenko et la Française Solène Mazingue ont terminé à la 28e place de l’épreuve de danse sur glace. Il s’agissait avant tout de leur retour à la compétition, six mois après que la jeune patineuse a eu le crâne fracturé lors d’un entraînement.
En basket, le club tallinnois BC Kalev poursuit son parcours en Coupe d’Europe FIBA. Qualifié pour la phase finale de la compétition, l’équipe estonienne s’est d’abord défaite du club allemand de Bamberg en quarts de finale. Fin mars, elle a remporté le match aller de sa demi-finale face aux Français de Cholet. Qu’il se qualifie pour la finale ou non, BC Kalev réalise le meilleur parcours d’un club estonien au niveau européen depuis le club de l’université de Tartu qui avait atteint les quarts de finale en EuroChallenge en 2013-2014. En cas de qualification pour la finale, BC Kalev réaliserait la meilleure performance d’un club estonien puisque Tartu n’a fini « que » quatrième de la FIBA EuroCup en 2007-2008.
Photo : Siim Lõvi – ERR