Le 14 juin, journée du deuil, le 75ème anniversaire des déportations de juin 1941 a été commémoré en Estonie. Outre les traditionnels dépôts de gerbe dans toute l’Estonie, la place de la Liberté à Tallinn a été couverte de ballons de baudruche bleus représentant une « mer de larmes ». Pour des raisons écologiques, les ballons n’ont pas été lâchés dans l’atmosphère. Le même jour, le Riigikogu a adopté une déclaration à la mémoire des victimes des déportations. Une petite polémique s’en est suivie en raison de l’abstention de sept des huit députés russophones du Parti du Centre. Si certains ont indiqué qu’ils avaient déjà quitté le parlement au moment du vote, d’autres ont critiqué le texte. Mihhail Korb a justifié sa non-participation au vote par l’inutilité de tels textes et que le souvenir des victimes devait être avant tout se faire dans les programmes scolaires. D’autres (Mihhail Stalnuhhin, Dmitri Dmitrijev et Vladimir Velman) ont regretté le rejet en commission de leur proposition de mentionner la présence de personnes de nationalité (au sens ethnique) russe, juive, tatare, etc. parmi les déportés en plus des Estoniens. Le texte adopté ne stipule pourtant pas les Estoniens en particulier puisqu’il contient les expressions a priori neutres « tuhandeid Eesti inimesed » (des milliers de personnes d’Estonie) et « 10 000 Eesti elanikku » (10 000 habitants d’Estonie).
Après de multiples tentatives infructueuses (les premiers débats datent de 1997), un projet de réforme territoriale a enfin été adopté par le parlement estonien. À la suite d’un débat qui s’est parfois éternisé au cours des derniers mois, les députés ont voté en faveur du projet gouvernemental par 56 voix contre 38. Aucun député hors-coalition gouvernementale n’a soutenu le projet. Les communes estoniennes continuent de négocier des fusions qui prendront effet fin 2017.
Toujours au Riigikogu, le rapport d’enquête parlementaire sur les affaires de corruption impliquant les deux anciens directeurs de l’entreprise portuaire Tallinna Sadam a été présenté. Il ressort qu’aucun ministre concerné n’a agi alors que les services de police les avaient alertés des problèmes en cours au sein de l’entreprise publique et que les faits de corruption avaient été favorisés par une présence trop faible des autorités dans les instances dirigeantes de la structure. Afin d’éviter de telles affaires à l’avenir, la commission d’enquête propose la création d’un comité de nomination qui serait chargé de choisir les personnes siégeant dans les conseils des entreprises publiques. Le ministre des finances Sven Sester (IRL) et le ministre de l’économie Kristen Michal (parti de la réforme) ont déclaré soutenir cette idée.
Mi-juin, les instances de l’OTAN ont adopté une décision selon laquelle l’organisation allait déployer un bataillon dans chacun des États baltes et en Pologne. Cette nouvelle répond aux attentes du gouvernement estonien qui souhaite voir renforcer la présence de l’OTAN sur son territoire face aux provocations régulières russes.
Dans le domaine économique et du tourisme, le premier établissement hôtelier Hilton des États baltes a ouvert ses portes à Tallinn. Les personnalités locales et nationales, dont le président de la République, ont assisté à l’inauguration en grandes pompes de l’hôtel construit dans le quartier de Torupilli en bordure de la rue Gonsiori.
En ce qui concerne la campagne de l’élection présidentielle, une petite surprise est venue du Parti du Centre. Quelques jours seulement après son discours dans lequel le président du parti Edgar Savisaar proposait sa candidature, le conseil du parti a voté en faveur d’une candidature de Mailis Reps. Cette dernière a gagné par 90 voix contre 78, ce qui marque la première défaite jamais enregistrée en interne par Edgar Savisaar. Si certains appellent à minimiser cet événement politique, d’autres y voient la fin de la mainmise de Savisaar sur le parti et la hausse du poids de l’aile « Kadri Simson ». Le scrutin interne passé, Savisaar a indiqué soutenir Mailis Reps. Alors que la liste des candidats potentiels au scrutin qui débutera le 29 août prochain se limite désormais principalement à six personnes (plus le député européen Urmas Paet dont le nom est également avancé), le débat de fond prend un peu plus forme. Le 15 juin, une première rencontre organisée par l’union des communes d’Harjumaa a eu lieu avec tous les candidats (Siim Kallas excepté) devant un public composé de membres de l’Union des villes et des unions régionales des communes. Trois candidats (Eiki Nestor, Marina Kaljurand et Allar Jõks) ont clairement affiché des positions pro-européennes et fermes vis-à-vis de la Russie. De son côté, Mart Helme suit la ligne eurosceptique de son parti en regrettant de voir l’Estonie perdre sa souveraineté et l’importation de « valeurs européennes » (question des droits des homosexuels par exemple). Mailis Reps présente une position intermédiaire : elle n’exclut pas de se rendre en Russie contrairement aux autres candidats et prône un discours plus pragmatique, moins alarmiste sur le plan sécuritaire, pour attirer les acteurs économiques en Estonie.
S’il était absent du débat, Siim Kallas est toutefois présent dans le débat. Il a appelé à légiférer sur la question de la double nationalité. Légalement, les citoyens estoniens ne peuvent être également citoyens d’un autre État (dans les faits, un citoyen estonien de naissance peut avoir un autre passeport sans que les autorités y puissent quelque chose). Face à la situation actuelle où le nombre de couples binationaux augmentent, Siim Kallas estime qu’il serait préférable de proposer la double citoyenneté plutôt que de voir le nombre de citoyens estoniens diminuer. Cette idée a été rejetée par Urmas Reinsalu (IRL) qui argue que cela présente un risque pour la sécurité de l’État. Le ministre de l’intérieur Hanno Pevkur (Parti de la Réforme) a indiqué que cette disposition pourrait être éventuellement adoptée pour les seuls citoyens de naissance (une personne souhaitant être naturalisée estonienne devrait toujours abandonner son autre citoyenneté).
Deux affaires ont enfin fait l’actualité dans le monde artistique. Tout d’abord, le réalisateur de dessins animés Priit Pärn a été exclu de l’Académie des Arts pour infraction à son contrat de travail. La direction de l’Académie a reproché à Priit Pärn d’avoir mis les étudiants devant le dilemme suivant : le suivre à l’Université de Tallinn où il envisage de poursuivre son travail alors qu’il estime qu’il n’est pas jugé à sa juste valeur par l’Académie ou rester à l’Académie et ne plus avoir d’enseignant. Ensuite, le metteur en scène et acteur Tiit Ojasoo, directeur et directeur artistique du célèbre théâtre NO99 qu’il a fondé, a démissionné de ses fonctions après la révélation de l’agression envers une actrice dont il s’est rendu coupable au mois de janvier. Avant la démission d’Ojasoo, l’affaire a fait réagir les élus du Riigikogu, les groupes parlementaires ont adressé une lettre commune au ministre de la culture Indrek Saar et au conseil du théâtre demandant des mesures contre le directeur de l’institution.