Début septembre 2024, la rentrée scolaire a été particulièrement suivie. En effet, elle marquait le début de la transition linguistique dans les établissements où l’estonien n’était pas encore la langue d’enseignement. La possibilité d’étudier dans une autre langue disparaît et tous les élèves qui sont au début de leur scolarité (première classe) vont désormais suivre un enseignement en estonien. Le passage à l’estonien concerne également les élèves de la quatrième, première classe du second niveau scolaire estonien (4e-6e classes). Cette transition concerne 48 écoles, principalement localisées à Tallinn (20) et dans la région d’Ida-Virumaa (18).

Alors que les mois précédents la rentrée de septembre 2024 ont surtout été animés par le débat autour de l’avenir des enseignants dont les compétences en estonien sont insuffisantes, les premiers jours du système ont surtout été marqués par une polémique provoquée par un reportage de la chaîne Kanal 2. La journaliste Kertu Jukkum s’est rendue dans plusieurs écoles anciennement russophones de Tallinn pour observer cette rentrée particulière. Le reportage montrait notamment comment certains élèves restaient muets pendant que l’hymne national était joué. Aussi, des images d’une cérémonie tenue en russe ont été diffusées (les images provenaient d’une école pour enfants à besoins éducatifs particuliers, exempte de la réforme). Parallèlement, en plus d’interviews avec la direction des écoles, le reportage contenait des échanges, pourtant non autorisés, avec des enfants peu à l’aise. La manière de présenter les enfants en ce jour particulier a provoqué de vives réactions et l’absence d’éthique journalistique a été condamnée. Dans les jours qui ont suivi la diffusion du reportage, la chaîne a annoncé mettre fin à sa collaboration avec la journaliste.

Sur la scène politique, une polémique a éclaté après le déplacement en Chine des députés du groupe d’amitié Estonie-Chine. Financé par les autorités chinoises, ce voyage a été critiqué après coup en raison des déclarations faites par lesdits députés qui ont en grande partie répété les éléments de langage du gouvernement chinois. Le ministère des Affaires étrangères a souligné ne pas avoir participé à l’organisation du voyage et l’ambassadeur estonien en Chine a rappelé avoir averti les députés des risques liés à une telle entreprise.

Dans le cadre des discussions relatives au budget de l’État pour 2025, les recherches de nouvelles recettes pour limiter les déficits se poursuivent et financer la politique de sécurité nationale. En septembre, le gouvernement a adopté une nouvelle augmentation de deux points de la TVA le 1er juillet 2025 (de 22 % à 24 %), la seconde augmentation en moins de deux ans après celle de janvier 2024, de deux points également. À partir de 2026, les contribuables devront s’acquitter d’un impôt spécial sur les revenus de 2 % et les entreprises verront leurs profits taxés de 2 %.

Dans l’attente de sa privatisation depuis que le gouvernement estonien a validé le projet, l’entreprise Nordica a été une nouvelle fois à la Une. En effet, la compagnie scandinave SAS a annoncé mettre fin à sa coopération avec Nordica qui assurait un certain nombre de vols intérieurs en Suède pour le compte de SAS. De même, la fréquence des vols Stockholm-Tallinn va être fortement réduite à partir de novembre 2024. La perte d’un client comme SAS place Nordica dans de grandes difficultés et l’entreprise estonienne va devoir trouver de nouveaux débouchés afin d’éviter la faillite.

Au cours des semaines passées, un débat a émergé à propos de la sous-utilisation des trois prisons estoniennes. À Tallinn, la prison est remplie à 67 %, celle du Viru (à Jõhvi) à environ 50 % et celle de Tartu à 29 %. Ainsi, les autorités cherchent des solutions pour réduire les frais d’entretien des structures sous-occupées. La ministre de la Justice Liisa Pakosta (Eesti 200) propose de louer une partie des cellules à d’autres pays, qui pourraient y envoyer une partie de leurs détenus. L’idée ne fait toutefois pas l’unanimité. Ainsi, le ministre de l’Intérieur Lauri Läänemets (Parti social-démocrate) a estimé que l’Estonie ne pouvait pas devenir un pays dont l’image serait celle d’un pays où les autres États y envoient leurs délinquants.

Le 28 septembre, l’Estonie a commémoré le trentième anniversaire de la catastrophe de l’Estonia, ce ferry qui a fait naufrage au large de la Finlande dans la nuit du 27 au 28 septembre 1994 et dont seuls 137 des 989 passagers et membres d’équipage ont survécu. Outre les nombreuses cérémonies, ce jour-anniversaire a été une nouvelle l’occasion d’évoquer le naufrage et les jours suivants qui ont suivi, source de nombreuses conspirations. En 2020, un documentaire suédois avait affirmé avoir découvert des dégâts inconnus dans la coque du navire. En 2024, c’est la question du sort de huit membres d’équipage qui a été au cœur des discussions alors qu’une série documentaire de la journaliste Marii Karrel pour l’émission Laser de la chaîne TV3 est en préparation. Dans les jours qui ont suivi le naufrage, huit personnes, dont le second capitaine de l’Estonia, Avo Piht qui se rendait en Suède pour raisons professionnelles, ont été déclarées sauvées avant d’être ajoutées à la longue liste des personnes décédées. Le sort de Piht fait toujours fantasmer car certains affirment l’avoir vu sur des images tournées après la catastrophe. Selon les informations diffusées dans la presse, les responsables de la série auraient découvert des documents qui stipulent que les huit personnes étaient vivantes après le naufrage.

Chaque année depuis 2008, les Estoniens testent leurs connaissances en orthographe lors de la désormais traditionnelle dictée du jour de l’estonien le 14 mars. Le 2 octobre 2024, pour la première fois, ces mêmes Estoniens ont pu évaluer leurs compétences en mathématiques lors d’un événement e-rehkendus (littéralement e-calcul) organisé par l’université technique de Tallinn et la radiotélévision publique. Près de 20 000 personnes ont participé, parmi lesquelles un peu plus de 11 000 ont soumis leurs réponses. 95 personnes ont répondu correctement aux douze questions posées.

Le 27 septembre, le tribunal de Harjumaa a rendu son verdict dans l’un des procès les plus médiatiques des dernières années, celui de l’ex-ministre de l’Éducation Mailis Reps, l’une des figures du Parti du centre depuis les années 2000. Cette dernière a été reconnue coupable d’avoir utilisé du personnel, des fonds et du matériel de son ministère à des fins personnelles, notamment pour la garde et le transport de ses enfants, et a été condamnée à un an et cinq mois de prison avec sursis, une peine supérieure aux réquisitions du procureur.

Le 11 octobre, les différentes fédérations sportives d’Estonie étaient réunies pour l’élection du président du Comité olympique estonien. Si l’élection de 2020, qui avait vu la réélection sans opposition d’Urmas Sõõrumaa pour un second mandat, l’élection de 2024 a attiré les regards en raison de la présence de trois candidats : l’homme d’affaires Urmas Sõõrumaa, candidat à un troisième mandat, le président de la Fédération estonienne d’athlétisme Erich Teigamägi et l’ancienne Présidente de la République Kersti Kaljulaid. Au premier tour, cette dernière est arrivée en tête avec 56 voix contre 40 à Sõõrumaa et 23 à Teigamägi. Si ce dernier a appelé à la stabilité, donc à voter pour Sõõrumaa (ce qui a laissé penser que le scénario de 2016 allait se répéter – arrivé second, Sõõrumaa avait finalement battu Jüri Ratas d’une voix), l’ancienne cheffe de l’État a néanmoins réussi à gagner suffisamment de soutiens pour l’emporter par 62 voix contre 57. Kersti Kaljulaid s’est présentée comme la candidate du changement, notamment en matière de financement du sport. Dans sa campagne, elle a pointé du doigt des méthodes de management dépassées, inadaptées au monde contemporain, basées sur les relations d’amitié.

Alors que les autorités estoniennes font pression pour les structures de l’Église orthodoxe d’Estonie (patriarcat de Moscou) rompent avec le patriarcat de Moscou et de toute la Russie auquel l’Église est rattachée canoniquement, une autre Église chrétienne a fait l’actualité en septembre. Pour la première fois, l’Église catholique, par décision du pape François, a formé un diocèse à part entière en Estonie. Jusque-là, et ce depuis 1924 (exception faite de la période soviétique), l’Église catholique n’était présente en Estonie que sous la forme d’une administration apostolique, relevant directement du Vatican. C’est l’administrateur apostolique Philippe Jourdan, en place depuis 2005, qui est devenu le premier évêque du diocèse de Tallinn. La communauté catholique d’Estonie compte environ 6500 fidèles.

Depuis plusieurs années, l’Estonie attire de plus en plus de tournages de films et de publicités. Le tournage de scènes du film Tenet de Christopher Nolan à Tallinn a sans conteste constitué un temps fort de l’industrie du cinéma estonien. En septembre, la capitale estonienne a cette fois accueilli le tournage de scènes de la série The Agency, une adaptation hollywoodienne de la série française Le Bureau des Légendes (2015-2020), avec Michael Fassbender dans le rôle principal (joué par Mathieu Kassovitz dans la version française).

Enfin, en septembre et en octobre, les amateurs de sport ont pu découvrir deux documentaires sur deux des grandes sportives estoniennes des dernières années. D’un côté, le réalisateur Kaupo Kruusiauk a présenté son film Anett dans lequel il suit la joueuse de tennis Anett Kontaveit. Il retrace les dernières années de la carrière de celle qui a été numéro deux mondiale avant de devoir prendre sa retraite sportive en 2023 en raison de blessures. De l’autre, les réalisatrices Helen Lõhmus et Leana Jalukse ont présenté leur film Kelly : le rêve de quelqu’un d’autre (Kelly: kellegi teise unistus). La sortie de ce documentaire qui retrace la carrière de la star du ski acrobatique était lui très attendu alors que Tõnis Sildaru, le père et premier entraîneur de la skieuse, est jugé pour utilisation illégale des sommes remportées lorsque sa fille était encore mineure.

Photo : Siim Lõvi / ERR