L’actualité politique estonienne a été une nouvelle fois marquée par l’élection présidentielle. Tout d’abord, la réunion du collège des grands électeurs le 24 septembre n’a pas permis d’élire de nouveau président. Très serré, le premier tour a été remporté par Allar Jõks (83 voix), devant Siim Kallas (81 voix), Mailis Reps (79 voix), Marina Kaljurand (75 voix) et Mart Helme (16 voix). Puisqu’aucun des candidats n’a obtenu les 168 voix requises, un second tour a été organisé entre A. Jõks et S. Kallas. Ce dernier a obtenu 138 voix, quatre de plus qu’Allar Jõks (134 voix). Surtout, le second tour a été marqué par 57 bulletins blancs provenant vraisemblablement des sociaux-démocrates et du Parti du Centre. L’échec du scrutin semble s’expliquer par la tentative de manœuvre de la part d’Edgar Savisaar, président du Parti du Centre. Malgré les apparences des quelques derniers mois, Savisaar aurait appelé ses proches à voter contre Mailis Reps, pourtant la candidate du Parti du Centre, au profit de Siim Kallas, provoquant l’élimination de Reps dès le premier tour et la qualification de Kallas. Face à ce coup politique, les sociaux-démocrates et les opposants à Savisaar au sein de son parti auraient boycotté le second tour, refusant d’élire Siim Kallas, provoquant le renvoi de l’élection présidentiel au parlement.
Après l’échec du 24 septembre, les partis politiques s’en sont ensuite remis à Eiki Nestor, le président du Riigikogu pour mener les négociations dans l’optique de trouver un candidat unique susceptible d’obtenir les 68 voix requises le 3 octobre lors du nouveau scrutin au parlement. Le 27 septembre, le bureau du Parlement et les présidents des groupes parlementaires ont annoncé qu’ils optaient pour une candidature de Kersti Kaljulaid (sans étiquette, ancienne membre d’Isamaa Liit entre 2001 et 2004), représentante estonienne de la Cour des Comptes européenne jusqu’au printemps dernier. Le 30, l’ensemble des députés à l’exception de ceux du Parti populaire conservateur et de quelques députés du Parti du Centre, ont déposé leur soutien officiel auprès de la commission électorale.
Les manœuvres d’Edgar Savisaar lors du scrutin du 24 septembre ont précipité les événements liés à la guerre interne que subit le Parti du Centre. Le bureau de la formation politique a démis Oudekki Loone de ses fonctions de secrétaire générale. Loone est accusée d’avoir caché que l’entreprise Midfield OÜ avait demandé au parti la couverture de ses dettes pendant l’été conformément aux lettres de garantie signées par l’ancien secrétaire général Priit Toobal et dont l’existence n’a été révélée que début septembre. (L’affaire est jugée par un tribunal d’arbitrage et le siège du parti a été hypothéqué). Le bureau a également licencié la rédactrice en chef de Kesknädal, le journal du parti, une fervente supportrice de Savisaar. La tenue d’un congrès extraordinaire semble de plus en plus probable et on pourrait assister la chute d’une des figures majeures de la scène politique estonienne depuis 25 ans. Les soutiens de Savisaar dénoncent un putsch et un mouvement populaire a déjà été mis en place derrière le président contesté.
De son côté, le gouvernement a adopté le budget de l’État pour 2017. Il s’élève à 9,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 6% par rapport à 2016. La hausse des dépenses sera financée par une hausse de taxes. En revanche, une baisse est à noter : le taux des charges sociales est abaissé de 33% à 32,5%. De plus, le seuil des revenus mensuels non imposables sera désormais de 180€ (contre 170€ en 2016). Du côté des enseignants, leur salaire minimum brut devrait augmenter de 958 euros à 1000 euros (+4,6%), une hausse qui ne satisfait pas les représentants des enseignants. Ces derniers exigent une hausse similaire à la hausse moyenne prévue dans le secteur public (+5,5%). Le budget sera aussi favorable aux familles nombreuses puisque celles qui ont trois enfants et plus recevront un complétement de 200€ par mois à partir du 1er juillet. Ensuite, ce budget est marqué par la somme record allouée au secteur de la défense avec 481 millions d’euros, soit plus que les 2% du PIB requis par l’OTAN. Cette somme s’explique par les dépenses liées à l’arrivée des bataillons de l’OTAN décidée lors du sommet de Varsovie en juillet 2016. Enfin, 66 millions d’euros seront alloués à la présidence estonienne de l’Union européenne.
Après trois ans de construction, le nouveau Musée national estonien a été inauguré le 29 septembre à Tartu. Le nouveau bâtiment, conçu par un bureau d’architectes français, a été construit l’extrémité de la piste de décollage de l’ancienne base aérienne soviétique de Raadi. Alors que les activités de recherche et d’exposition de l’institution étaient jusque-là disséminées dans Tartu, elles seront désormais rassemblées en un lieu unique où les visiteurs pourront se familiariser avec la culture estonienne et les peuples finno-ougriens.
Dans le domaine des nouvelles technologies, l’Estonie va tourner une page au printemps 2017 : d’ici quelques mois, il ne sera plus possible de téléphoner depuis un téléphone fixe autrement que par le réseau Internet (avec un téléphone fixe relié à un routeur). Encore 15 000 personnes utilisent des téléphones fixes reliés au réseau téléphonique classique. Ce changement comporte un risque pour les habitants situés là où le réseau électrique est instable. Désormais, toute coupure d’électricité empêchera les appels téléphoniques. Les autorités responsables des réseaux conseillent d’utiliser d’autres méthodes pour parer aux éventuelles difficultés ou urgences comme les téléphones portables.
À l’ouest de l’Estonie, la chaussée reliant les îles de Muhu et SaaremaaVäinatamm est au cœur d’un débat. Des habitants souhaitent que la chaussée ne soit plus un obstacle à la circulation de l’eau de mer. Ils arguent que l’espace naturel du détroit est menacé par l’ensablement et soutiennent le percement d’ouvertures dans l’ouvrage centenaire. Toutefois, les autorités et les experts environnementaux ont estimé qu’une telle mesure n’aurait pas les effets escomptés. Ainsi, la chaussée qui permet de relier Saaremaa continuera à être d’un seul tenant.
Dans la même région, une page a été tournée dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre : les liaisons maritimes entre le continent et les îles de Saaremaa et Hiiumaa qui étaient assurées par l’entreprise Väinamere Liinid de Vjatšeslav Leedo seront désormais effectuées par TS Laevad, une entreprise du groupe Tallinna Sadam. De nombreuses polémiques sont nées de la décision gouvernementale de changer d’opérateur. Deux directeurs de Tallinna Sadam ont perdu leur poste, accusés d’avoir versé des pots-de-vin au constructeur naval polonais chargé de livrer deux des quatre navires commandés par Tallinna Sadam. De son côté, l’entreprise de V. Leedo a retiré les navires mis en circulation en 2010 au profit de bateaux construits dans les années 1980 à partir du moment où elle a perdu son marché. Dans un premier temps, le changement d’opérateur n’apportera pas toutes les nouveautés attendues. En effet, les nouveaux bateaux commandés n’ont pas encore été livrés (en partie en raison de défauts de construction) par les usines turques et polonaises chargées de leur construction. Le gouvernement espère que le changement d’entreprise va permettre d’améliorer le service de transport, un sujet récurrent de l’organisation territoriale de l’Estonie occidentale.
Enfin, dans le domaine des médias, le groupe Postimees a annoncé l’arrêt de l’impression de la version russophone du quotidien Postimees et de Den za Dnem. Le groupe a indiqué vouloir se concentrer sur la version électronique de ces journaux. Le tirage des deux journaux était respectivement de 5 000 et 10 000 exemplaires.