Le 3 octobre, les députés se sont retrouvés une nouvelle fois pour tenter d’élire un successeur à Toomas Hendrik Ilves. Contrairement aux tours précédents, cinq des six partis politiques présents au Riigikogu se sont réunis autour d’un seul nom, Kersti Kaljulaid, la représentante estonienne de la Cour des comptes européenne. Il n’a fallu qu’un tour de scrutin pour que celle-ci soit élue, obtenant 81 des 98 votes enregistrés. Elle est entrée en fonction le 10 octobre lors d’une cérémonie de passation de pouvoir et de prestation de serment au Riigikogu. Né en 1969, Kersti Kaljulaid est devenue la première femme à être élue à la tête de la République d’Estonie, elle est également la plus jeune personne élue à cette fonction en Estonie. Diplômée de biologie de l’université de Tartu, Kersti Kaljulaid a surtout fait une carrière en entreprise dans les années 1990. Elle a été conseillère du Premier ministre Mart Laar (1999-2002) avant de devenir directrice de la centrale électrique d’Iru (2002-2004). Elle a ensuite été nommée à la Cour des comptes européenne à Luxembourg, poste qu’elle a occupé jusqu’à septembre 2016. Kersti Kaljulaid a été présidente du Conseil de l’université de Tartu (à partir de 2011) et s’est occupée d’une émission Eurominutid sur la radio Kuku (2007-2016).
Conséquence de l’élection de Kersti Kaljulaid à la présidence de la République, les autorités estoniennes se sont retrouvés face au problème d’une nouvelle nomination : trouver le représentant estonien à la Cour des comptes européenne. Cette question constitue une priorité pour le gouvernement depuis la fin initiale du mandat de Kersti Kaljulaid au printemps. Toutefois, le Parti social-démocrate s’est constamment opposé à la nomination de Juhan Parts (IRL, ancien Premier ministre (2003-2005), ancien ministre de l’économie (2007-2014) et ancien contrôleur d’État (1998-2002)) soutenu par le Parti de la Réforme et IRL, ses partenaires de la coalition gouvernementale. Pour faire face à l’absence de décision de la part du gouvernement, Kersti Kaljulaid a poursuivi ses activités à Luxembourg au-delà de la fin de son mandat jusqu’au 30 septembre 2016, quelques jours avant son élection. Le retour de Kaljulaid en Estonie a pressé le gouvernement de lui trouver un successeur. Finalement, le Parti social-démocrate a levé son opposition à la nomination de Juhan Parts afin de ne pas dégrader la réputation internationale de l’Estonie tout en espérant des concessions sur d’autres dossiers de la part d’IRL et du Parti de la Réforme. Juhan Parts doit désormais être auditionné par le Parlement européen. Au Riigikogu, le Parti du Centre va déposer une motion de censure contre le gouvernement estimant que Juhan Parts ne convient pas au regard de plusieurs dossiers mal gérés lorsqu’il était ministre (par exemple celui d’Estonian air).
La passation de pouvoir entre le président Ilves et la présidente Kaljulaid a été l’occasion de revenir sur les dix années de mandat de Toomas Hendrik Ilves. Depuis 2006, plusieurs initiatives sont devenues des traditions. Sur le plan commémoratif, Ilves a donné plus d’importance au 20-Août avec la réception annuelle des personnalités du monde culturel à Kadriorg et la remise d’une Pierre commémorative aux acteurs de la Révolution chantante. Il a aussi initié l’organisation des festivités du 24-Février dans d’autres villes d’Estonie que Tallinn. Sur le plan géopolitique, Ilves, dont le mandat a été marqué par la crise du Soldat de bronze et les cyberattaques qui ont suivi et la guerre russo-géorgienne et la guerre dans le Donbass, a œuvré pour sensibiliser les partenaires militaires de l’Estonie aux questions de cybersécurité. Chaque année depuis dix années, la conférence Lennart Meri est organisée à Tallinn. Ensuite, les Estoniens se sont habitués à l’hyperactivité de leur président au nœud papillon sur les réseaux sociaux et à son rôle de promoteur des innovations technologiques de l’Estonie. D’autres thématiques ont marqué les mandats d’Ilves. Il a initié le concours Sõnaus destiné à trouver de nouvelles innovations linguistiques, a exprimé un intérêt pour les questions relatives aux peuples finno-ougriens et a soutenu la créativité des jeunes. Toutefois, la fin de mandat a été marquée par les événements de sa vie privée. Dès la fin de mandat, la polémique autour de la rénovation de sa résidence dans le Viljandimaa avec des fonds européens a rapidement resurgi. Avant de devenir président, T. H. Ilves avait obtenu des fonds pour aménager un gîte touristique, mais comme la résidence n’a été que peu utilisée dans un but touristique, une partie des fonds (10%) a dû être remboursée. Certains estiment que l’ancien président devrait en rembourser l’intégralité.
Ensuite, l’élection de Kersti Kaljulaid met les linguistes sur le devant de la scène et la question globale de la déclinaison des noms de famille en estonien non tranchée depuis plus d’un siècle. En effet, comment décliner le nom de la présidente ? Faut-il utiliser une déclinaison similaire à celle du nom commun kaljulaid (au génitif kaljulaiu et au partitif kaljulaidu) ou adopter utiliser une déclinaison différente avec la voyelle i (Kaljulaid, Kaljulaidi, Kaljulaidi pour les trois premiers cas grammaticaux de l’estonien) ? La présidente a indiqué préférer la seconde version, mais la liberté de choix semble encore de mise dans les médias puisque les deux formes sont utilisées.
Enfin, les deux principaux partis politiques d’Estonie, le Parti de la Réforme et le Parti du Centre connaissent des tensions internes après l’élection présidentielle. De jour en jour, le président du Parti du Centre, Edgar Savisaar perd de son pouvoir, le dernier épisode en date étant la défaite de son candidat au poste de président du conseil (volikogu) du parti. Edgar Savisaar pourrait, lui perdre la présidence du parti au profit de Jüri Ratas lors du congrès extraordinaire organisé à Paide le 5 novembre prochain. Du côté du Parti de la Réforme, les relations entre la direction et Siim Kallas, président d’honneur du parti et candidat malheureux à l’élection présidentielle, se dégradent. Déçu, Siim Kallas n’exclut pas la création d’un nouveau parti politique.
Ouvert au public depuis le 1er octobre, le Musée national estonien a déjà été au cœur d’une polémique liée à son exposition concernant la Réforme. Pour évoquer les dégradations d’objets d’art religieux lors des premières années de la Réforme en Estonie, un écran transparent présentant la Vierge Marie a été installé. Les visiteurs étaient invités à frapper du pied la base de l’écran, provoquant l’éclatement de l’image de Marie. Cet élément a été rapidement critiqué sur les réseaux sociaux par Urmas Viilma, l’archevêque de l’Église évangélique-luthérienne d’Estonie, entraînant un débat pour ou contre cet objet exposé. Ses opposants y voient une attaque contre la foi et un manque de respect envers une partie de la population. Afin de mettre fin à la polémique, le système permettant de frapper l’installation a été supprimé par le musée.
Dans le domaine des technologies, Elektrilevi, entreprise chargée des infrastructures électriques, expérimente de nouvelles solutions pour assurer l’alimentation des habitations éloignées et/ou peu habitées. Plutôt que de remplacer le réseau vieillissant par de nouvelles lignes électriques sensibles aux intempéries, notamment en forêt, des générateurs reliés à des panneaux solaires sont installés à proximité des maisons. L’entretien des générateurs reste à la charge de l’entreprise. Le projet est prévu pour durer trois ans.
Au début du mois, 101 personnalités ont signé une pétition réclamant une modification du projet de Rail Baltica, cette voie ferrée à grande vitesse qui doit relier Tallinn à Varsovie d’ici à 2025. Les auteurs du texte contestent l’ampleur du projet, inadaptée aux réels besoins des Estoniens et réclament l’arrêt de celui-ci. Ils regrettent l’impact massif de la voie ferrée sur l’environnement et sur le cadre de vie des Estoniens et demandent un projet moindre. (Actuellement, les schémas directeurs régionaux sont en cours d’adoption, une nouvelle analyse coût-avantage sera rédigée début 2017 et le préprojet de la Rail Baltica sera prêt en 2018).
En sport, l’équipe masculine de volleyball a réussi là où les basketteurs avaient échoué il y a quelques semaines en se qualifiant pour la seconde fois consécutive au championnat d’Europe. Deuxièmes de leur poule de qualification, les Estoniens ont rencontré et battu leurs voisins lettons en barrages à Jelgava (victoire 3-2) et à Tallinn (victoire 3-0). Vainqueurs cet été de la Ligue européenne et promus en Ligue mondiale l’an prochain, les Estoniens tenteront l’an prochain en Pologne de faire mieux que leur 11ème place obtenue en 2015. En football, l’équipe masculine a entamé son parcours qualificatif pour la prochaine coupe du monde. Après la défaite 5-0 en Bosnie-Herzégovine en septembre, elle a battu Gibraltar 4-0 et a perdu 2-0 contre la Grèce lors de matches tenus à Tallinn.
Enfin, deux nouveaux films estoniens sortent sur les écrans : Teeskeljad (les imposteurs, sens littéral « ceux qui font semblant »), premier long-métrage de Vallo Toomla, et Õnn tuleb magades (le bonheur vient en dormant) de Mart Kivistik. Teeskleja, avec Mirtel Pohla et Priit Võigemast, met en scène un couple qui tente de surmonter ses difficultés dans la maison secondaire d’amis. En pleine tempête, ils recueillent un autre couple qui les croit être les propriétaires de la maison, ce qui les pousse à prétendre être d’autres personnes. Dans Õnn tuleb magades, avec Katariina Unt et Ivo Uukkivi, une femme prénommée Viivi se réveille un matin avec un homme, Andres, dans son lit. Paniquée, Viivi tente de se souvenir des événements de la veille.