Les premiers jours de février ont passé au rythme des préparations liées à la désynchronisation des réseaux électriques estonien, letton et lituanien des réseaux russe et biélorusse le 9 du mois. En effet, les trois États baltes ont fait le choix de quitter le réseau synchrone IPS/UPS développé à l’époque soviétique et régit par l’Accord BRELL depuis 2001. Les réseaux électriques des cinq pays étaient intégrés et la stabilité de la fréquence sur le réseau était assurée par des infrastructures situées en Russie (à Ivangorod pour le réseau estonien). Dans un souci d’accroître la sécurité de chaque pays en matière d’énergie et de ne plus être sous la menace potentielle de la Russie, Estonie, Lettonie et Lituanie ont réalisé à partir de 2007 des investissements massifs (financés en grande partie par l’Union européenne) pour intégrer le réseau européen ENTSO-E. Février 2025 a donc marqué la fin d’un long processus dont l’objectif était la rupture des liens électriques qui existaient encore avec la Russie.

Le matin du 8 février, les trois opérateurs baltes ont progressivement lancé la désynchronisation, opération qui s’est achevée avec la déconnexion des lignes situées entre Narva et Ivangorod à 09 h 09 (le moment précis de la désynchronisation a revêtu une valeur tout aussi emblématique que l’heure du vote du rétablissement de l’indépendance estonienne le 20 août 1991 à 23 h 03). Il ne s’agissait toutefois que de la première phase. Pendant les 36 heures qui ont suivi, les trois États se sont retrouvés isolés du reste du monde (électrique) afin de tester la solidité des nouvelles infrastructures. La connexion symbolique du réseau balte au réseau ENTSO-E a, elle, eu lieu le 9 février avec l’établissement de la connexion entre la Lituanie et la Pologne.

Si le processus s’est déroulé normalement (une partie des facteurs pouvant rendre l’opération difficile comme une vague de froid intense qui aurait engendré une forte consommation ne se réalisant pas), une certaine tension a agité l’Estonie au cours des semaines qui ont précédé l’opération. Malgré une confiance affichée, les autorités ont appelé les Estoniens à se préparer à d’éventuelles coupures d’électricité. Les ventes de générateur ont par exemple fortement augmenté. De plus, ces appels ont pu créer une certaine panique chez une partie des Estoniens, certains tombant même dans le piège d’arnaques montées pour l’occasion. De leurs côtés, les autorités estoniennes se sont préparées à d’éventuelles tentatives de sabotage. Ainsi, les points névralgiques du réseau électrique estonien ont été placés sous la surveillance de la police et de l’armée. Enfin, de son côté, l’OTAN a organisé des opérations en mer Baltique.

Après la désynchronisation du réseau électrique, l’électricité est restée à la une de l’actualité avec un débat intense autour de la construction de parcs éoliens en Estonie. La question agite certaines communes concernées par des projets éoliens. En effet, un mouvement d’opposition aux différents projets, auquel l’extrême droite (EKRE) prend part, prend de l’ampleur. Des groupes dénoncent notamment des nuisances provoquées par les infrasons que généreraient les éoliennes, des arguments rejetés par les analyses scientifiques. Dans ce contexte, cette question risque de devenir un sujet brûlant de la campagne précédant les élections locales d’octobre 2025.

Le 24 février, les Estoniens ont célébré la fête nationale. Cette année, l’intégralité des célébrations officielles ont été organisé à Tallinn, en présence notamment du ministre français des Armées Sébastien Lecornu. À l’inverse, la fête nationale s’est déroulé en l’absence du Premier ministre Kristen Michal qui était à Kiev où il a participé à la conférence organisée à l’occasion du troisième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Lors de son discours prononcé à l’occasion, le président Alar Karis a notamment lancé un appel à relancer le dynamisme estonien en initiant un nouveau saut de tigre dans l’éducation (en référence au saut du tigre réalisé à la fin des années 1990 lorsque l’Estonie a entre autres connecté ses écoles à Internet). Dès le lendemain, Alar Karis et la ministre de l’Éducation Kristina Kallas ont rendu public un nouveau programme baptisé TI-Hüpe 2025 (Saut IA – 2025) dont le but est d’améliorer les compétences d’utilisation de l’intelligence artificielle et de faire franchir un seuil à l’éducation estonienne. À partir de septembre 2025, les élèves d’Estonie auront gratuitement accès aux applications d’intelligence artificielle du secteur de l’apprentissage et recevront la formation nécessaire à leur utilisation. Le programme concernera d’abord les élèves de dixième et de onzième classe, avant d’être élargi aux élèves des établissements d’enseignement professionnel et aux nouveaux élèves de dixième classe en 2026.

Question de fiscalité très débattue depuis des mois, la taxe automobile a continué à faire débat en février. En effet, la chancelière du droit Ülle Madise a jugé que la loi en vigueur était contraire à la constitution estonienne. En effet, la loi n’inclut pas les situations où le propriétaire perdrait la jouissance de son bien (par destruction ou vol). Conformément à la loi, les propriétaires de véhicules s’acquittent d’une taxe pour l’ensemble de l’année civile. Or, en cas de destruction ou de vol, le propriétaire se voit imposer pour un bien qu’il n’a plus, ce que Ülle Madise juge anticonstitutionnel.

En vue du concours Eurovision de la chanson, les Estoniens ont choisi leur futur représentant au cours du traditionnel concours national Eesti Laul et il s’agira du chanteur Tommy Cash et avec sa chanson Espresso Macchiato. Dans un contexte de coupe budgétaire, le concours s’est cette fois déroulé sous un format réduit avec une seule grande finale à laquelle seize artistes et groupes ont pris part (à la place de deux demi-finales et une finale). Rapidement après la victoire de Tommy Cash (un artiste très populaire hors d’Estonie), la chanson a provoqué de nombreuses réactions. Parallèlement à un accueil positif, la chanson, dont les paroles sont en italien, a suscité la polémique en Italie. Le service de protection du consommateur a dénoncé un texte qui véhicule des stéréotypes classiques sur les Italiens et a réclamé le retrait de la chanson de l’Eurovision.

Photo : Capture d’écran, Aktuaalne Kaamera