L’évolution de la crise sanitaire en Estonie est restée stable par rapport aux deux mois de l’été : la situation empire de semaine en semaine. De 352 cas pour 100 000 (sur 14 jours) le 1er septembre, le taux d’incidence est passé à 606 à la fin du mois, soit une évolution qui ressemble fortement à la diffusion du virus en décembre 2020, au début de la deuxième vague en Estonie. Toutefois, et même si la crainte d’un engorgement des hôpitaux au cours des semaines à venir se renforce au fur et à mesure que le virus s’étend vers le nord après avoir été cantonné dans le sud du pays, la situation est moins alarmante car le nombre de patients hospitalisés est deux fois moins élevés que fin 2020 (139 début septembre, 217 à la fin du mois). La dégradation de la situation se lit toutefois aussi à travers le retour des décès liés au Covid. Après un été au cours duquel peu de personnes sont décédées, l’annonce de décès est redevenue quotidienne en septembre. De son côté, la vaccination ne progresse plus avec 57 % de la population vaccinée (53 % avec deux doses et 4 % avec une dose).
Septembre a marqué le véritable lancement de la campagne électorale pour les municipales de mi-octobre, les partis politiques n’ayant plus à se préoccuper de l’élection présidentielle. À Tallinn, le parti du Centre au pouvoir espère maintenir son emprise sur la capitale, qu’il gouverne depuis 2001 (exception faite de la période octobre 2004 – novembre 2005). Face à lui, les autres formations politiques appellent, comme tous les quatre ans, à la mobilisation pour mettre fin à l’hégémonie du parti du Centre et à la corruption qui gangrène la gestion de la ville. À l’approche du scrutin, c’est le réseau de pistes cyclables de la ville qui est devenu l’un des sujets de débat. En effet, au cours de l’été, la ville a procédé à l’aménagement de pistes provisoires, très visibles en raison de leur couleur rouge vif. Les différents aménagements, parfois faits à la va-vite, de manière illogique ont fait bondir et rire (jaune) les adeptes du vélo.
À Tartu, l’enjeu du scrutin concerne principalement le nom de la formation politique qui formera une coalition avec le parti de la Réforme qui dirige la ville depuis 1997. Dans le fond, le sujet de débat le plus intense est la question de la construction d’un nouveau centre culturel à la place d’une partie du parc central de la ville. Le projet est soutenu par le parti de la Réforme et les Sociaux-Démocrates et rejeté par Eesti 200 et le parti du Centre. De leur côté, Isamaa et EKRE défendent l’idée de reconstruire le pont historique de Tartu (Kivisild) en centre-ville. Ailleurs en Estonie, ce sont surtout des listes sans étiquette qui s’opposent dans des scrutins aux enjeux très locaux. Toutefois, les observateurs s’intéressent particulièrement au Virumaa oriental, majoritairement russophone, où EKRE (extrême-droite) tente de s’implanter en jouant la carte énergétique, en promettant de maintenir l’exploitation des schistes bitumineux visée par le Pacte vert pour l’Europe. Et à Narva plus précisément, l’offre politique n’a jamais été aussi diverse, ce qui laisse toutes les issues possibles : continuité ou nouvelle page.
Pour certaines Estoniens, Noël est arrivé avant l’heure. En effet, les personnes qui ont choisi de profiter de la réforme des retraites initiée par le gouvernement Ratas ont reçu le versement des sommes cotisées via le deuxième pilier du système de retraite – initialement disponibles après le départ en retraite. En quelques jours, environ un milliard trois cents millions d’euros a été transféré, dont 300 millions ont été prélevés par l’État au titre de l’impôt sur le revenu. Dès les jours suivants, les centres commerciaux estoniens et les banques (par qui souhaitaient rembourser ses dettes ou contracter des emprunts) ont été pris d’assaut.
27 ans après son naufrage en mer Baltique, le ferry Estonia continue de faire parler et fantasmer. Après le lancement d’une nouvelle mission d’enquête par les pouvoirs publics, qui a débouché sur l’envoi de robots près de l’épave en juillet, une enquête privée a été lancée. Financée par le groupe propriétaire du quotidien Postimees et dirigé par Margus Kurm, ancien procureur d’État et ancien président de la commission d’enquête du naufrage de l’Estonia, une mission a été conduite fin septembre. Les plongées récentes sont censées permettre la levée des doutes concernant la raison exacte de la catastrophe.
En 2023, Tallinn portera le titre de Capitale verte de l’Europe. Après trois tentatives infructueuses, la capitale estonienne a enfin obtenu cette distinction de la Commission européenne créée justement à son initiative (avec 14 villes et l’union des villes estoniennes) en 2006. Aussitôt après cette victoire, bien évidemment célébrée par le maire Mihhail Kõlvart présent à Kotka pour l’annonce du vainqueur, les critiques n’ont pas tardé, les opposants et militants verts se demandant en quoi Tallinn méritait le titre. Selon les critiques, l’écologie à Tallinn est limitée aux paroles et tarde à se concrétiser, ou mal comme pour l’exemple de l’aménagement des pistes cyclables. Plus insolite, un site Internet britannique a attribué à Tallinn le titre de capitale européenne à la météo la plus imprévisible !
Comme ailleurs en Europe, la hausse du prix de l’électricité fait la Une en Estonie. Dans ce contexte, le débat autour de l’utilisation des schistes bitumineux, ressource très présente dans le pays mais très polluante, a repris de plus belle. D’un côté, le gouvernement souhaite accélérer la transition écologique – annonce a été faite en début d’année de l’arrêt de l’utilisation des schistes pour produire de l’électricité en 2035 – et explique la hausse des prix par un usage insuffisant des énergies renouvelables. De l’autre, des formations politiques comme EKRE accusent le Pacte vert pour l’Europe, qui encadre la transition énergétique en Europe, d’être la raison de la hausse des prix, allant jusqu’à nier l’existence du réchauffement climatique.
Sujet de débat avant l’été, la question du financement de projets culturels d’importance nationale a de nouveau été présente dans l’actualité. Si le parlement avait décidé dans un premier temps de soutenir l’aménagement d’un centre culturel à Tartu, le développement d’un complexe sur les lieux de l’ancienne usine Krenholm à Narva et l’extension de l’opéra Estonia à Tallinn, le monde du cinéma acceptait mal l’absence de soutien au projet de Cité du film à Tallinn. Pourtant, l’Estonie attire des réalisateurs étrangers et le cinéma estonien a connu le succès à travers la production du film finlandais Compartiment nº 6, récompensé du Grand Prix du Jury à Cannes. En septembre, les députés estoniens ont finalement modifié leur décision et intégré le projet à la liste des projets soutenus.
En septembre, l’Estonie a pour la première fois accueilli un grand championnat d’un sport collectif avec l’accueil de certains matches du championnat d’Europe masculin de volleyball. Entraînée par le Français Cédric Énard, l’équipe d’Estonie visait une qualification pour les huitièmes de finale de la compétition. Malheureusement, une défaite dès le premier match face à la Lettonie voisine, entraîné par… l’Estonien Avo Keel, et une défaite face à la Croatie alors qu’elle avait dominé le début du match ont condamné l’Estonie à la dernière place de son groupe et une élimination prématurée.
Toujours en sport, le club de football tallinnois FC Flora est devenu le premier club estonien à participer à une phase de groupes d’une compétition européenne, en l’occurrence la toute nouvelle Ligue Conférence Europa. Jusque-là, le parcours des clubs estoniens s’étaient toujours achevés dès les tours préliminaires. Malheureusement pour le FC Flora, cette aventure européenne a mal commencé avec deux défaites en deux matches. De même, le club de basket BC Kalev/Cramo (Tallinn) participe à la phase de groupe de la Ligue des champions de basket (organisée depuis 2016 par la FIBA Europe), une première pour une équipe estonienne, même si par le passé, cette équipe et celle de Tartu ont déjà participé à d’autres compétitions européennes.
Enfin, le chef Estonien Artur Kazaritski, du restaurant étoilé danois Geranium, a permis à l’Estonie d’obtenir son meilleur résultat au concours mondial de la cuisine, le Bocuse d’or, avec une septième place lors de la finale tenue à Lyon.
Photo : Õhtuleht / Martin Ahven