L’année 2017 s’est terminée traditionnellement par un discours du chef de l’État. Contrairement aux années précédentes où l’intervention était enregistrée, ce discours a été prononcé en direct par Kersti Kaljulaid depuis la Place de la Liberté à Tallinn où les Tallinnois étaient réunis pour fêter le changement d’année. Alors que l’entrée en 2018 marque le début de l’année du centenaire de la République, la présidente a notamment appelé les jeunes estoniens à écrire des discours d’anniversaire adressés à l’Estonie en vue des festivités de la fête nationale en février.
Toutefois, les festivités du 31 décembre ne se sont pas déroulées sans polémique. En effet, pour la première fois depuis 1991, l’hymne national n’a pas été joué après le discours présidentiel (ni sur la Place de la Liberté ni à la télévision sur ETV). Cette absence a été fortement dénoncée, notamment par l’extrême-droite. Si Kersti Kaljulaid a elle aussi déploré l’absence de l’hymne, la municipalité et la chancellerie présidentielle ont expliqué que jouer l’hymne Place de la Liberté dans l’ambiance particulière (arrosée) du 31 décembre aurait été inapproprié. L’année 2018 a tout de même débuté par une chanson, puisque le chanteur Ivo Linna a interprété le célèbre Eestlane olen ja eestlaseks jään.
Parmi les annonces de fin d’année de la présidente, on peut retenir le projet de déménager la chancellerie présidentielle à Narva pour un mois à l’automne 2018. Ce déplacement des activités de la présidente dans la ville frontalière doit permettre d’intégrer un peu plus à l’Estonie une ville toujours en proie à des difficultés économiques, sociales et identitaires.
La place des russophones en Estonie a une nouvelle fois été source de débat en décembre, cette fois à propos du paysage médiatique russophone dans le pays. Si la télévision publique estonienne a une chaîne russophone depuis 2015 avec ETV+, c’est avant tout PBK (Pervyj Baltijskij Kanal) qui domine cet espace médiatique. Le sujet a refait l’actualité après que la municipalité de Tallinn a de nouveau commandé des émissions à la filiale estonienne de la chaîne basée à Riga. Ce choix est fortement critiqué de la part des autres partis politiques, qui considèrent que PBK est une chaîne de propagande au service du Kremlin et que la coopération avec ce média devrait être nulle ou seulement très limitée (le ministre de la santé et du travail Jevgeni Ossinovski a par exemple indiqué que les services de l’État ne pouvaient pas se passer de ce canal pour diffuser des campagnes de sensibilisation auprès des russophones d’Estonie). Si l’achat d’émissions par la ville de Tallinn à PBK avec des fonds publics fait débat, c’est aussi en raison du parti pris en faveur du Parti du Centre dans ces différents programmes, notamment lors de la dernière campagne électorale.
Décembre a été aussi l’occasion de faire le bilan des six mois de la présidence estonienne du Conseil de l’Union européenne. Le temps fort restera le sommet du numérique qui s’est déroulé à Tallinn en septembre dernier. Globalement, les responsables européens ont félicité les autorités estoniennes pour leur professionnalisme, leur implication et le travail réalisé.
L’actualité purement politique de décembre a été surtout marquée par les remous au sein du Parti de la Réforme. Depuis son élection à la présidence du premier parti d’opposition en janvier 2017, Hanno Pevkur ne semble pas avoir réussi à imprimer sa marque et des voix critiques ont commencé à s’exprimer, notamment celle du président d’honneur du parti, Siim Kallas. Le commissaire européen Andrus Ansip, longtemps dirigeant de la formation, a également jugé sévèrement l’actuel président. Face à la fronde, Hanno Pevkur a rapidement abandonné le combat en annonçant sa démission, estimant plus judicieux que le parti se choisisse un nouveau leader début 2018, plutôt qu’en 2019 à seulement quelques semaines des élections législatives, comme le prévoyait le calendrier initial. Pevkur hors course, les regards se sont immédiatement tournés vers la députée européenne Kaja Kallas, qui a finalement annoncé sa candidature à l’élection interne qui se tiendra en avril 2018. À l’heure actuelle, aucun adversaire n’apparaît pouvoir remettre en cause l’accession au pouvoir de la fille de Siim Kallas, le fondateur du parti.
Déjà fortement critiqué lorsqu’il fut dévoilé, le symbole du mégalithe conçu pour remplacer le célèbre logo « Welcome to Estonia » sur les documents de présentation de l’Estonie a finalement été abandonné par la Fondation pour le développement de l’entreprise (EAS). Ce logo n’a jamais été vraiment adopté par les entreprises et les institutions, contrairement aux autres outils, notamment la police de caractères, créés en même temps.
Enfin, le monde universitaire a été endeuillé par la mort à 64 ans de Volli Kalm, le recteur de l’Université de Tartu, le 23 décembre. Élu recteur une première fois en 2012, ce géologue de formation venait de commencer un second mandat au mois de juillet. C’est le psychologue Tõnu Lehtsaar qui a été choisi pour assurer l’intérim à la tête de l’institution jusqu’à de nouvelles élections. Il avait déjà occupé de telles fonctions en 2006-2007 après l’échec de l’élection du successeur de Jaak Aaviksoo.