La proclamation des résultats officiels des élections municipales tenues le 15 octobre 2017 a eu pour conséquence l’entrée en vigueur de la réforme territoriale initiée au cours des années précédentes. Désormais, le territoire estonien est découpé en 79 communes (15 villes et 64 communes rurales) contre 213 communes jusque-là. Si certaines communes refusant la fusion proposée ont contesté la réforme jusqu’au bout, aucune n’a obtenu gain de cause auprès de la Cour suprême. Maintenant, les nouveaux conseils municipaux doivent s’attacher à organiser la gestion des nouveaux territoires, répartir les différents services municipaux, etc. Le travail de transition a déjà été commencé avec la recherche de nouveaux blasons et l’adoption de nouveaux noms pour les villages à renommer (deux villages d’une commune donnée ne peuvent pas avoir le même nom). Si les noms des nouvelles communes ont également été adoptés, certaines font de la résistance. Dans la région de Tartumaa, les habitants de l’ancienne commune d’Ülenurme, qui a fusionné avec celle de Kambja, luttent pour que la nouvelle commune s’appelle Ülenurme, et non Kambja comme le gouvernement l’a décidé.
Autre nouveauté en vigueur depuis le scrutin municipal du 15 octobre : la possibilité de cumuler un mandat de député et un mandat de conseiller municipal (ne s’applique pas aux postes exécutifs, à savoir les ministres, les maires et leurs adjoints). Si quelques députés nouvellement élus au niveau local ont annoncé qu’ils laissaient leur place au conseil municipal à un suppléant, la plupart des élus nationaux ont décidé de profiter du nouveau système adopté en 2016. 64 des 88 députés candidats ont été élus localement et 58 d’entre eux ont choisi de conserver leurs deux mandats.
Au Parlement, les élus du Parti populaire conservateur ont tenté de faire abroger la loi sur l’union civile votée il y a trois ans. Si la loi se trouve toujours dans une impasse, les décrets d’application n’ont jamais pu être votés au Riigikogu faute de majorité, le projet de loi d’abrogation n’a pas non plus obtenu suffisamment de soutien au-delà des partis clairement opposés à l’union civile. Seuls 19 députés (principalement d’EKRE et d’IRL) ont voté contre le retrait du projet de loi des débats, la position défendue par la commission des lois du Parlement.
Élément phare de la numérisation de la société, la carte d’identité estonienne doit faire face à des difficultés depuis quelques mois. En août, des chercheurs ont découvert une faille dans la puce des cartes émises à partir de 2014 (800 000 cartes), rendant celles-ci vulnérables à de potentielles attaques. Cette nouvelle a immédiatement relancé le débat autour de la sécurité du vote en ligne lors des scrutins, et ses opposants sont montés tout de suite au créneau. Toutefois, la confiance des électeurs n’a pas été entamée puisque le scrutin du 15 octobre 2017 a été marqué par un nouveau record de votes en ligne. Depuis, les services spécialisés se sont attelés à résoudre la faille et à renouveler le certificat d’identification des cartes. Les détenteurs des cartes défectueuses peuvent renouveler leurs certificats soit en effectuant une démarche en ligne soit en se déplaçant dans un bureau de police (les services de police ayant à leur charge la gestion des documents d’identité en Estonie), ce qui n’a pas manqué de provoquer des files d’attente inhabituelles. Face aux risques liés à la faille découverte, les autorités ont décidé de mettre fin à la validité des certificats défectueux dès le 3 novembre en fin de journée. Ainsi, les personnes qui n’auront pas encore pu renouveler leurs certificats ne pourront plus utiliser leur carte d’identité en ligne tant que les nouveaux certificats n’auront pas été installés. Néanmoins, le renouvellement des certificats en ligne sera possible jusqu’en mars 2018.
Thématique très présente dans les médias hors d’Estonie, la question du harcèlement sexuel l’est tout autant en Estonie à la suite du scandale impliquant l’ancien Premier ministre Taavi Rõivas. Ce dernier est accusé de gestes déplacés envers une personne lors d’une fête tenue en marge d’un voyage en Malaisie avec une délégation de la Fondation pour le Développement de l’Entreprise (EAS). S’il conteste la version présentée dans la presse, Taavi Rõivas a néanmoins démissionné de son poste de vice-président du Riigikogu et a été remplacé par Hanno Pevkur, le président du Parti de la Réforme.
Autre sujet de débat en Estonie : l’accueil des réfugiés. Cette question a été une nouvelle fois évoquée dans le pays après que le ministère des Affaires sociales a reconnu que le programme était un échec. Si l’Estonie devait accueillir 550 personnes selon l’accord conclu au niveau européen, moins de 200 personnes sont pour l’instant arrivées en Estonie. De plus, il ressort que plus de la moitié de ces personnes a de fait quitté l’Estonie pour d’autres pays de l’Union européenne. L’une des raisons de ces départs serait le choix des autorités estoniennes d’avoir installé les réfugiés dans les petites villes d’Estonie.
Enfin, l’actualité de la présidence estonienne du Conseil de l’Union européenne a été suivie de près en Estonie. Fin septembre, Tallinn a accueilli un sommet dont le thème était le numérique. Il s’agissait là d’une des « épreuves » de ce semestre de présidence estonienne du Conseil de l’Union européenne, puisque la capitale estonienne accueillait l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement de l’UE. Ce sommet a été l’occasion de poser la base des futures discussions relatives à la construction d’une Europe numérique (place du numérique dans l’administration, cybersécurité, infrastructures).
Quelques semaines plus tard, ce sont les négociations à propos d’une révision de la directive européenne relative aux travailleurs détachés qui étaient au cœur de l’actualité. L’adoption d’un accord à l’issue de la réunion des ministres du Travail présidée par Jevgeni Ossinovski à Luxembourg a été saluée comme une grande victoire de la présidence estonienne. Toutefois, la révision de la directive est critiquée par le patronat estonien qui considère que le durcissement des règles va réduire la compétitivité des entreprises estoniennes sur le marché estonien. D’autres critiques soulignent que les autorités estoniennes ont défendu une position qui n’aurait pas été la leur si l’Estonie n’avait pas été dans son rôle de présidente du Conseil.