En octobre, l’Estonie est entrée encore plus profondément dans sa troisième vague de Covid-19. De 632 cas pour 100 000 personnes sur 14 jours au 1er octobre, le taux d’incident a grimpé en flèche pour atteindre un niveau record de 1658 à la fin du mois (le record de mars étant battu dès le 28). Autre signe de la crise, le nombre de personnes hospitalisées est passé de 207 à 587. Face à une telle évolution, les différents hôpitaux du pays ont progressivement pris des mesures pour affronter la crise. Tous les soins non urgents sont en grande partie reportés sine die et les services des urgences commencent établir des priorités dans le traitement des patients. Alors que le système avait tenu le choc au printemps avec plus de 700 patients hospitalisés, les différents responsables craignent une rupture bien avant ce seuil en novembre. En effet, si les hôpitaux sont suffisamment pourvus en lits, le personnel, épuisé par la crise, vient à manquer. Pour pallier ce manque de bras, des jeunes faisant leur service militaire ont été appelés en renfort. Enfin, l’aggravement de la crise se lit aussi à travers le nombre de morts : 180 personnes sont décédées pendant le seul mois d’octobre, portant le total de victimes en Estonie à 1540.
Pendant tenter d’endiguer la crise, les lieux publics auxquels l’accès était conditionné à la présentation d’un passe sanitaire ont été interdits d’accès aux personnes munis d’un seul test négatif à partir du 25 octobre. Seules les personnes vaccinées et celles immunisées car ayant eu le Covid-19 peuvent se rendre au cinéma, au restaurant, dans les salles de sport, etc. La mesure restera en vigueur jusqu’au 10 janvier (ce qui permet d’englober la période des vacances de Noël). De plus, les établissements accueillant du public doivent fermer leurs portes à 23 h. Dans le même temps, le gouvernement a débloqué des fonds pour encourager les médecins généralistes à encourager la vaccination. En parallèle, les Estoniens peuvent se faire vacciner par n’importe quel médecin, en non plus par leur seul médecin de famille. Les statistiques de l’Agence de la santé indiquent que les nouvelles restrictions semblent avoir un impact. Si moins de 5000 personnes se sont fait vacciner (1re dose) lors de la première semaine d’octobre, le nombre hebdomadaire de vaccins effectués a constamment augmenté pendant le mois, avec plus de 14 000 vaccinations lors de la dernière semaine du mois.
Face à la crise, d’autres mesures de restriction ont été adoptées, non sans polémique. La municipalité de Tallinn a par exemple décidé unilatéralement de réinstaurer l’enseignement à distance pour les élèves de quatre niveaux au retour des vacances le 1er novembre.
Toutefois, fournir des efforts n’est pas du goût de tous. Le 23 octobre, des milliers de personnes se sont réunies sur la place de la Liberté à Tallinn pour manifester contre la vaccination et les différentes restrictions décidées pour lutter contre la pandémie de Covid. L’événement a été organisé par des personnalités comme Varro Vooglaid (de la fondation pour la protection de la famille et de la tradition (SAPTK), connue depuis son opposition à la loi créant une union civile en Estonie en 2014). Le célèbre chanteur Tõnis Mägi, figure de la Révolution chantante, désormais clairement impliqué du côté des antivaccins et des « défenseurs des libertés », a interprété ses chansons Koit (Aube) et Palve (Prière). Les leaders du parti EKRE étaient également bien en vue, Martin Helme appelant à faire tomber le gouvernement. (De telles déclarations n’ont pas été du goût de tous car au moins huit personnes, dont des élus, ont annoncé quitter la formation d’extrême-droite.)
Du 11 au 17 octobre se sont déroulées les élections locales afin d’élire les membres des assemblées des communes estoniennes (volikogu). Cette année, la participation s’est établie à 54,8 % des inscrits (pour ce scrutin les citoyens estoniens, les citoyens de l’UE et toutes les personnes bénéficiant d’un permis de résidence longue durée), soit légèrement mieux que la moyenne dans ce type d’élections depuis 1993. Comme à chaque scrutin, une attention particulière a été portée au nombre et à la part de votes effectués en ligne. Un nouveau record a encore été établi avec 273 000 bulletins exprimés électroniquement, soit 46,6 % des votes, un taux quasi-identique au record établi lors des élections européennes de 2019. Et comme à chaque scrutin, le vote électronique a fait l’objet de contestation. En raison d’un oubli technique, la page de présentation des candidats sur le site de la Commission électorale s’est retrouvée traduite dans les navigateurs où la traduction automatique était activée. Ainsi, entre autres, les candidats prénommés Silver ont vu leur prénom « traduit » de l’anglais en estonien et sont devenus des Hõbe. Même si les noms des candidats étaient correctement affichés dans l’application de vote, le parti EKRE, estimant que ses candidats avaient été lésés, a déposé une plainte auprès de la justice estonienne pour faire annuler l’intégralité du vote électronique (qui lui est généralement plutôt défavorable). En raison de ces contestations, les résultats définitifs n’ont toujours pas été officiellement proclamés.
À l’échelle nationale, c’est le Parti du centre qui a obtenu le plus de votes (24,4 % ; -2,9 points par rapport à 2017), devant le Parti de la réforme (17,2 % ; -2,2 pts) et EKRE (13,2 % ; +6,5 pts). Isamaa (8,4 % ; +0,4 pt), Eesti 200 (6 % ; 1re participation), les Sociaux-Démocrates (5 % ; -5,4 pts) et les Verts (1,1 % ; +0,3) suivent ensuite. À côté des listes de partis, les listes sans étiquette ont reçu 24,3 % des suffrages. Le scrutin de 2021 a donc été marqué par une forte hausse du score de l’extrême-droite EKRE et de l’arrivée en force d’Eesti 200, dont le succès explique un autre enseignement, la chute des sociaux-démocrates (à relativiser car de nombreux sociaux-démocrates étaient candidats sur des listes sans étiquette, dont certaines victorieuses – Saaremaa, Viljandi, Narva).
Dans la capitale Tallinn, l’enjeu principal était de savoir si le Parti du centre allait conserver sa majorité absolue. Malgré un score en voix supérieur à 2017, notamment celui de sa tête de liste Mihhail Kõlvart, le maire depuis 2019, le parti a perdu son pari, car son score de 45,4 % ne lui permet d’obtenir « que » 38 des 79 sièges d’élus (contre 40 au cours des quatre années passées). Bon perdant, le Parti du centre a très vite appelé ses adversaires à former une grande coalition pour qu’ils réalisent leur rêve, mettre fin au pouvoir des centristes dans la capitale. Mais dès le lendemain des élections, les têtes de liste du Parti social-démocrate et d’Eesti 200 ont annoncé refuser toute coopération avec l’extrême-droite, redonnant ainsi la main au Parti du centre. Dans les jours qui ont suivi, Mihhail Kõlvart ont décidé de se tourner vers les Sociaux-Démocrates pour négocier la formation d’une coalition, comme cela avait déjà été le cas entre 2009 et 2010.
À Tartu, la victoire est une fois de plus revenue à la liste Parti de la réforme, menée par le maire sortant Urmas Klaas, avec 36,8 % de suffrages. Avec 19 sièges (contre 20 jusqu’ici), le parti est une nouvelle fois en position de force dans la ville universitaire. Toutefois, la coalition avec le Parti social-démocrate ne pourra pas être reconduite en raison du moins bon score de ce parti cette année ((9,5 %, 5 sièges, soit 3 de moins qu’en 2017). Le scrutin de Tartu a été marqué par le bon score de la liste d’Eesti 200, menée par la présidente de ce parti Kristina Kallas avec 15,9 %, ce qui lui permet d’entrer à l’assemblée locale avec 8 élus, et de celle d’EKRE (16,6 %, 8 sièges également, 3 de plus qu’en 2017). En revanche, le Parti du centre va devoir se contenter de 4 élus (-3). Après une campagne centrée sur le projet de centre culturel en partie en lieu et place du parc central de la ville, avec le Parti de la réforme et les sociaux-démocrates du côté des partisans et Eesti 200 et EKRE du côté des opposants, les coalitions potentielles sont finalement limitées. Rapidement, le Parti de la réforme s’est tourné vers son partenaire social-démocrate et Isamaa (5 sièges) ; les trois formations ont finalement signé un accord de coalition le 29 octobre.
À Narva, où le Parti du centre a tenu les rênes du pouvoir depuis les années 1990, les électeurs ont fait le choix du changement en soutenant massivement la liste portée par Katri Raik, l’ancienne directrice du Collège universitaire de Narva. Brièvement maire entre 2020 et 2021 dans le cadre d’une coalition avec le Parti du centre (entre 2017 et 2021 Narva a connu quatre maires au gré des changements dans la composition des groupes politiques au sein de l’assemblée locale), Raik a su convaincre les électeurs qui ont voté à 43,9 % pour sa liste, de quoi lui donner 15 dans 31 sièges de l’assemblée locale. Soucieuse de réellement tourner une page, elle a clairement exprimé son refus de s’allier avec les centristes. Peu après le scrutin, des pourparlers de coalition ont été initiés avec Eesti 200.
Performance suivie de près par les observateurs, EKRE a réussi à augmenter fortement son nombre d’élus dans tout le pays. La formation d’extrême-droite est même arrivée première dans quatre communes : les communes de Järva (centre du pays) (24 %), de Põlva (22,4 %) et de Räpina (27,7 %) (région de Põlvamaa) et surtout la troisième ville d’Estonie, Pärnu (24 %). Dans ces quatre communes, les adversaires ont toutefois décidé de s’unir et de renvoyer EKRE dans l’opposition (le parti était membre de la coalition au pouvoir depuis deux ans). Néanmoins, EKRE participe à 17 coalitions dans toute l’Estonie. Enfin, EKRE a échoué à obtenir des élus à Narva alors que la formation avait mené une forte campagne médiatique pour annoncer son intention de s’impliquer dans la ville.
Élu fin août à la présidence de l’Estonie, Alar Karis a entré en fonction après la passation de pouvoir au Riigikogu le 11 octobre. Trois jours plus tard, Alar Karis a choisi d’effectuer ses premiers déplacements en Lettonie et Finlande voisines pour y rencontrer ses homologues. Malheureusement pour le nouveau chef de l’État, le Covid s’est invité au programme. En effet, le président letton Egils Levits a testé positif le jour de la visite. A. Karis s’est finalement entretenu avec la présidente de la Saeima, le parlement letton. Le test positif de M. Levits a également entraîné l’annulation du déplacement en Finlande car le président Sauli Niinistö, qui avait rencontré son homologue letton quelques jours auparavant en Suède. Finalement, Alar Karis a pu se rendre sur la rive septentrionale du golfe de Finlande le 26 octobre et effectuer d’autres visites à l’étranger (Lituanie le 27 et Pologne le 28).
Début octobre à Oslo, Epp Mäe est devenue vice-championne du monde de lutte libre. Déjà double médaillée de bronze aux Mondiaux (2015 et 2019) et aux championnats d’Europe (2017), la lutteuse estonienne confirme donc sa bonne année car elle avait déjà remporté l’or aux championnats d’Europe en avril.
En tennis, la numéro une estonienne Anett Kontaveit réalise une fin de saison pleine de succès. Après ses victoires aux tournois de Cleveland aux États-Unis fin août et d’Ostrava en République tchèque fin septembre, la joueuse estonienne a remporté coup sur coup les tournoi WTA de Moscou en Russie et de Cluj-Napoca en Roumanie fin octobre. Grâce à ses résultats, Kontaveit a égalé puis dépassé son meilleur classement mondial établi en 2019, devenant huitième joueuse mondiale. De plus, ses succès lui ont permis de se qualifier pour le tournoi de fin d’année qui regroupe les meilleures joueuses de l’année 2021.
Le 5 octobre, le vaisseau spatial russe Soyouz a décollé pour rejoindre la Station spatiale internationale. À son bord, l’actrice russe Ioulia Peressild (orthographe retranscrite du cyrillique, Peresild en estonien) pour participer au tout premier tournage cinématographique dans l’espace (Le Défi de Klim Chipenko). Commenté dans le monde entier, l’événement a été particulièrement suivi en Estonie car comme son nom l’indique, l’actrice a des origines estoniennes : ses arrière-grands-parents estoniens comptaient au nombre des Estoniens déportés à l’époque soviétique.
Photo : Ken Mürk / ERR