Les mois se suivent et se ressemblent avec une actualité avant tout rythmée par l’évolution de la crise sanitaire. Après l’instauration de restrictions dans le pays le 11 mars, la situation s’est progressivement améliorée au cours du mois d’avril et début mai. Le taux d’incidence est passé de 1180 nouvelles infections pour 100 000 habitants sur 14 jours le 1er avril à 314 le 15 mai, un niveau plus atteint depuis fin novembre. L’effet des restrictions est aussi visible à l’hôpital puisque le nombre de patients a été divisé par presque trois (220 le 15 mai). Ces données permettent désormais à l’Estonie de ne plus se situer au niveau le plus critique sur l’échelle de couleurs établie en Europe. Toutefois, et si le gouvernement estonien a pris la décision de supprimer certaines restrictions à partir du 3 mai, la situation demeure fragile : de nouveaux décès sont enregistrés chaque jour (exception faite du 27 avril, une première depuis trois mois et demi) et le taux d’incidence dans certaines communes demeure élevé (supérieur à 1000 à Narva par exemple). Dans les régions de Tartumaa et de Valgamaa, ce taux d’incidence connaît une augmentation.
Dans ce contexte de fin de deuxième vague, le gouvernement lève progressivement les restrictions mises en place en mars. Depuis le 3 mai, une partie des élèves des écoles du pays (4 premières classes et classes de 9e et de 12e) a été autorisée à retrouver les salles de classe. Les musées et salles d’exposition ont pu partiellement rouvrir leurs portes et l’intégralité des magasins du pays a pu reprendre ses activités. De leur côté, les restaurants et cafés ont reçu l’autorisation d’ouvrir des terrasses en plein-air, tout en respectant une limite d’occupation. Enfin, la règle du 2+2 (« groupes » de deux personnes maximum et distance de 2 mètres entre les personnes) a été supprimée. À partir du 17 mai, l’ensemble des établissements scolaires et universitaires seront autorisés à accueillir élèves et étudiants. Néanmoins, tout le monde ne va pas profiter de cette levée, ainsi l’université de Tartu a décidé de terminer le semestre en cours à distance. Enfin, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé que les restaurants et café allaient pouvoir accueillir du public en intérieur à partir de 24 mai.
La vaccination de la population se poursuit avec un abaissement progressif de l’âge des personnes pouvant se faire vacciner. La vaccination a été ouverte le 3 mai aux personnes de 50 à 59 ans et le 17 mai, l’ensemble de la population adulte sera concerné. Mi-mai, près de 30 % de la population avait reçu au moins une dose de vaccin. Fin avril, l’Estonie a officiellement lancé sa solution de certificat numérique de vaccination contre le Covid. Dans quelques semaines, le certificat devrait aussi permettre de justifier qu’une personne a effectué un test négatif ou qu’elle a déjà contracté la maladie.
Dans ce contexte de pandémie, un projet d’amendement de la loi sur la prévention et la lutte contre les maladies infectieuses (Nakkushaiguste ennetamise ja tõrje seadus, NETS) a déclenché une série de manifestations à Tallinn. Alors que le gouvernement souhaitait mieux encadrer le rôle de la police dans un contexte comme celui de 2021 (jusqu’ici seule l’Agence de la santé pouvait en appeler aux forces de l’ordre), un certain nombre d’opposants, poussés par l’extrême-droite désormais dans l’opposition, y ont vu la mise en place d’un « État policier » en Estonie. Pendant plus de dix jours, quelques dizaines de personnes ont manifesté devant le Riigikogu puis sur la Place de la Liberté. En l’absence d’organisateur officiel déclaré aux autorités, les quelques leaders officieux du mouvement ont été régulièrement interpellés par la police, ce qui n’a pas manqué d’alimenter le discours anti-policier. Le mouvement s’est finalement délité, avant de reprendre mi-mai, après que les députés EKRE ont accepté une modification dans la formulation du texte législatif.
Sur la scène internationale, les relations entre l’Estonie et la Russie se sont tendues au cours des dernières semaines. À la suite de la décision des autorités tchèques d’expulser un certain nombre de diplomates russes, les autorités estoniennes ont décidé de faire de même. En réaction, la Russie a appelé l’Estonie à choisir quels diplomates allaient à leur tour devoir quitter Moscou.
À quelques mois de l’élection présidentielle, les spéculations concernant les possibles candidats sont nombreuses. Les regards sont surtout tournés vers Jüri Ratas, Premier ministre jusqu’en janvier et désormais président du Riigikogu, qui pourrait considérer la présidence de la République comme une suite logique à sa carrière. Toutefois, cela l’obligerait à renoncer à la présidence du Parti du centre et cela pourrait mettre fin à une carrière politique active. (Aucun président estonien n’a repris de fonction politique après son mandat. Arnold Rüütel est président d’honneur d’EKRE mais ne joue aucun rôle et Toomas Hendrik Ilves intervient dans le débat public hors du monde politique.) De plus, l’ex-Premier ministre, que les sondages placent parmi les deux personnalités préférées des Estoniens pour le poste de président (avec l’actuelle cheffe de l’État Kersti Kaljulaid), doit faire face à la critique après qu’un article de l’hebdomadaire Eesti Ekspress a révélé des dépenses élevées de la part de l’État lors de visites dans différentes régions d’Estonie. Dans ce contexte, des voix s’élèvent pour qu’il ne se présente pas, rappelant notamment que le Parti du centre, qu’il avait promis de transformer lorsqu’il en est devenu le chef, demeure empêtré dans les affaires.
Après un faux suspens, la commission des Affaires culturelles du Riigikogu a choisi de soutenir financièrement la réalisation des projets d’extension de l’opéra Estonia et de construction d’un centre culturel dans le centre-ville de Tartu en tant qu’objets culturels de dimension nationale. Les députés ont également décidé d’attribuer un financement aux projets de quartier culturel sur les lieux de l’ancienne usine textile Kreenholm à Narva et de Maison de la musique Arvo Pärt dans l’église Saint-Paul (bâtie dans les années 1930 et utilisée comme salle de sport depuis les années 1950) à Rakvere. Ces annonces ont relancé le débat en cours sur ces projets, notamment celui de l’opéra, avec des opposants qui refusent la construction d’une « boîte » accolée à l’opéra bâti au début du XXe siècle et reconstruit dans les années 1940. Un membre du directoire de l’entreprise Port de Tallinn a proposé qu’un nouvel opéra soit bâti en bord de mer, comme à Sydney ou à Oslo.
Début mai, la presse a fait part de la découverte par un chercheur que la partie métallique du phare de Ristna (à la pointe occidentale de Hiiumaa) avait bien été fabriquée dans les ateliers Eiffel de Paris en 1874. Jusqu’ici connue sous forme de légende non confirmée, l’information est désormais soutenue par des preuves trouvées dans les archives des ateliers Eiffel. Si le phare est couvert par un sarcophage en béton depuis 1921, la partie métallique supérieure de l’époque est toujours observable.
À Paide, qui accueille depuis 2013 un festival d’opinion l’été, le théâtre local a choisi d’organiser une série originale de 33 discours sur le thème « Vers où ? Comment ? » (Kuhu edasi? Kuidas edasi?) du 3 mai au 5 juin. Chaque jour, une personnalité, dont le nom n’est pas communiqué avant (la liste des intervenants est tout de même publique), tient un discours sur la place centrale de la ville sur sa vision de l’Estonie du futur. Les discours sont ensuite rendus publics par la radio-télévision nationale.
Photo : Ken Mürk / ERR