L’héritage du XIXe siècle
Avant l’indépendance du pays, la période russe qui a vu apparaître les premiers compositeurs savants d’importance : Rudolf Tobias et ses opéras Sabina (1905), Kalmuneid (1928), Armastus ja surm (L’Amour et la Mort, 1931) – son oeuvre comprend également cinq concertos et une rhapsodie -, Artur Kapp, Mihkel Lüdig et le mendelssohnien Artur Lemba.
Rudolf Tobias (1873-1918) : organiste et compositeur, il est le précurseur de la musique savante en Estonie. Fils de pasteur, il révèle des dons précoces. Ses études le conduisent à Saint-Pétersbourg où il étudie l’orgue et la composition (avec Rimski-Korsakov). Jusqu’en 1904 il travaille à l’église estonienne de cette ville qu’il quitte pour Tartu, où il va occuper de nombreux postes (enseignant, organiste, chef d’orchestre, pianiste, organisateur de concerts et journaliste). En 1809, il entreprend des voyages qui le conduisent à Paris, Munich, Prague, Dresde et Leipzig. Il se lie à la vie musicale allemande et à partir de 1910 il se fixe à Berlin et se fait naturaliser. Il y meurt en 1918. Malgré son éloignement, son importance dans l’évolution musicale de l’Estonie est essentielle, surtout si on tient compte du vide musical qui existait alors. Son intérêt le portait vers la musique religieuse et vers la culture ancienne du pays. Il a écrit les premières œuvres symphoniques avec l’ouverture de Julius Caesar (1896), la première cantate, Johannes Damascenuspour solistes, choeurs et orchestre (1897), le premier concerto pour piano et orchestre (1897), la première sonate pour piano (1897), le premier quatuor à cordes (1899), le premier oratorio, La mission de Jonas (1909), la première oeuvre à programme, la Burlesque de Walpurgis (1910).
Artur Kapp (1878-1952), a suivi la même voie que Tobias, à Saint-Pétersbourg, où il a étudié l’orgue et la composition, également avec Rimski. 1903 le voit diriger l’école de musique d’Astrakhan qu’il parvient à quitter en 1920. À Tallinn, il dirige l’orchestre de l’opéra et y enseigne la composition au conservatoire. Avec Tobias, il représente la première génération de compositeurs estoniens et, contrairement à Tobias, il ne quitta pas son pays. Son œuvre couvre également un large éventail de genres, des pièces pour orgue, une ouverture pour Don Carlos (1899), la cantate Paradiis ja Peri [le Paradis et la Peri] (1900), l’oratorio Hiiob [Job] (1929).
Mihkel Lüdig (1880-1958) a également eu les mêmes professeurs que Kapp au cours de ses études pétersbourgeoises. Il retourne cependant assez vite en Estonie, à Tartu puis à Tallinn en 1910 où il occupe le poste d’organiste avant d’y diriger l’école de musique. De 1925 à 1928, il séjourne en Argentine puis retourne au pays. Son œuvre comprend des pièces chorales et des mélodies, des œuvres orchestrales, deux Ballades pour violoncelle et orchestre et des cantates.
Artur Lemba (1885 – 1963), compositeur, pianiste et pédagogue, il étudie à Saint-Pétersbourg où il devient professeur de piano au conservatoire de 1908 à 1920. En 1920, il retourne en Estonie et va y rester à l’exception d’un séjour d’un an à Helsinki (1920-21). Il écrit des pour piano et orchestre (entre 1910 et 1962), des cantates Merekuninganna (1907), Narva (1957), deux symphonies, de la musique de chambre, des œuvres pour piano et des chœurs.
La première indépendance
La période de l’indépendance, entre les deux guerres, est celle de la génération de Heino Eller (1887 – 1970), le formateur le plus important de ce siècle, avec Eduard Tubin (1905 – 1982), Ester Mägi et Kaljo Raid (tous deux nés en 1922).
Heino Eller (1887-1970). Plus encore que le compositeur, c’est le professeur de composition qui va jouer un rôle essentiel dans le développement musical actuel de l’Estonie. Parti se perfectionner à Saint-Pétersbourg. En 1907, il y étudie la composition puis repart en Estonie où, de 1920 à 1940, il enseigne à Tartu. On lui attribue la fondation de l’ « Ecole de Tartu », comparée à l’ « Ecole de Tallinn » d’Artur Kapp, à laquelle appartiennent Eduard Oja, Olav Roots, Alfred Karindi et Johannes Bleive. En 1940 il devient professeur de composition à Tallinn et presque tous les principaux compositeurs de la génération d’après guerre vont fréquenter sa classe, Villem Kapp, Kaljo Raid, Boris Kõrver, Anatoli Garshnek, Leo Normet, Valter Ojakäär, Uno Naissoo, Arne Oit, Jaan Rääts, Heino Jürisalu, Arvo Pärt, Alo Põldmäe et Lepo Sumera. Le rôle d’Eller dans le domaine de l’enseignement de la composition a été essentiel. Mais ceci ne doit pas faire oublier que, dans ses compositions, il manifeste un talent réel et un goût prononcé pour l’estonicité. Koit [Aube] et Videvik[Crépuscule], en particulier, sont deux remarquables ouvrages pour orchestre. Ses œuvres pour orchestre à cordes, notamment les Viis pala keelpilliorkestrile[Cinq pièces pour orchestre à cordes] l’ont fait connaître hors d’Estonie.
Eduard Tubin (1905 – 1982), commença tôt à jouer avec des musiciens de village avant d’aller étudier l’orgue à Tartu et la composition, dans la classe de Heino Eller. Dans les années trente, il dirige des concerts, des opérettes et des chœurs. Son activité d’enfance le fait particulièrement s’intéresser aux influences des musiques populaires (Suite sur des mélodies estoniennes, Suite de danses estoniennes, Symphonies n° 1 et 2 [Légendaire] et Sinfonietta sur des mélodies estoniennes. Pendant la guerre, après un séjour à Léningrad, il reprend son poste à Tartu, notamment au théâtre Vanemuine et y écrit deux autres symphonies et « Le lutin » qui est créé en 1943. En 1944, au moment du retour des forces soviétiques, il part pour la Suède où il va rester, composant la majeure partie de son œuvre (Symphonies n°5 à 10, Variations sur un thème populaire estonien, des concertos pour piano, violon, contrebasse et des œuvres de musique de chambre) et dirigeant le chœur estonien de Stockholm. En 1961, il prend la nationalité suédoise et effectue des voyages en Estonie où son œuvre est jouée. Il reçoit même la commande d’un opéra [Barbara von Tisenhusen, sur un livret d’Aino Kallas, 1969] qui sera suivi par trois autres [Le vicaire de Reigi, Chants de cour et Requiem pour des soldats morts]. Son œuvre a été diffusée dans le monde grâce en particulier à l’activité du chef d’orchestre Neeme Järvi.
Ester Mägi (née en 1922). Compositrice d’œuvres instrumentales mais aussi vocales et orchestrales très jouées y compris hors d’Estonie. Elle s’inspire très librement des musiques traditionnelles estoniennes (Vana kannel pour piano).
L’épisode soviétique
La génération qui a été formée pendant la période qui va de l’immédiat avant-guerre à la fin du régime soviétique en passant par les années de guerre avec Eino Tamberg et Veljo Tormis, Heino Jürisalu, Jaan Rääts, Arvo Pärt (né en 1935), Raimo Kangro, René Eespere.
Eino Tamberg (né en 1930). Cet élève d’Eugen Kapp enseigne à son tour (depuis 1968) et parmi ses élèves on compte Raimo Kangro, Peeter Vähi, Margo Kõlar, Toivo Tulev, Mari Vihmand et Mart Siimer. En 1956, son Concerto grosso a créé un électrochoc esthétique en Estonie. Son œuvre va du symphonique au théâtre (l’opéra Cyrano de Bergerac d’après Edmond Rostand, en passant par le ballet (Joanna tentata)
Veljo Tormis (1930-2017) est surtout connu pour ses œuvres chorales finno-ougriennes et reliées à la tradition balto-finnoise, même si son œuvre ne peut être réduite à ce seul aspect : (Eesti kalendrilaulud [Le calendrier estonien des mélodies 1967], Laulusillad [Le pont des mélodies] et le cycle Unustatud rahvad[Peuples oubliés] (1970-89), pour chœurs.
Heino Jürisalu (1930-1991) étudie avec Heino Eller et effectue un remarquable travail de pédagogue. Deux symphonies, des pièces pour orchestre de chambre (3 sérénades, 3 danses estoniennes), des concertos (pour flûte et pour cor) et de la musique de chambre constituent la majeure partie de son œuvre.
Jaan Rääts (né en 1932), élève de Saar et de Heller enseigne à son tour et compte parmi ses élèves Raimo Kangro et Erkki-Sven Tüür. Compositeur au langage original, il émerge dans les années cinquante et son Concerto pour orchestre de chambre op. 16 (1961) le fait connaître hors d’Estonie. Il a écrit huit symphonies, des concertos pour divers instruments et de la musique de chambre (dont les 24 préludes estoniens pour piano (1977) , les 24 marginalia pour 2 pianos (1982) et six quatuors à cordes).
Raimo Kangro (1949-2001). Elève de Rääts et de Tamberg il a écrit de la musique instrumentale, concertante et orchestrale pleine de vie rythmique et de couleur dans laquelle on a pu voir des références aux musiques baroques et latino américaines.
René Eespere (né en 1953), étudie la composition avec Khatchatourian à Moscou. Compositeur populaire grâce à ses chœurs et ses œuvres pour enfants, il écrit dans un langage qui use abondamment du diatonisme.
La seconde indépendance
Les compositeurs nés après guerre, qui ont découvert l’indépendance pendant leur jeunesse comme Alo Põldmäe, Lepo Sumera, Peter Vähi, Erkki-Sven Tüür, Urmas Sisask.
Alo Põldmäe (1945), élève d’Eino Heller, également hautboïste, il occupe successivement plusieurs postes importants dans la vie musicale estonienne et il enseigne actuellement la composition. D’abord moderniste, il évolue vers la simplicité dans les années soixante dix.
Lepo Sumera (1950-2000), a étudié la composition avec Veljo Tormis, Heino Eller et Heino Jürisalu, de 1979 à 1982) avant d’aller au conservatoire de Moscou avec Roman Ledenov. Professeur de composition à l’Académie de musique de Tallinn, il a été ministre de la Culture de 1988 à 1992 et Président de l’Union des compositeurs. Six symphonies, des concertos pour piano et pour violoncelle, des pièces pour piano ont contribué à le faire reconnaître tandis que l’électro-acoustique prenait une place de plus en plus importante. Parti du dodécaphonisme, il épure son style dès les années quatre-vingts et se rapproche d’un langage plus en adéquation avec les tendances générales du post-modernisme.
Peeter Vähi (né en 1955), doit peut-être à une formation originale (il a étudié l’accordéon, le piano et la contrebasse, avant de rejoindre la classe de composition d’Eino Tamberg) son éclectisme et son goût pour les sources baroques, rock, new age et orientales.
Erkki-Sven Tüür (né en 1959). Flûtiste, il travaille la composition avec Jaan Rääts puis Lepo Sumera avant de faire un stage d’électro-acoustique à Darmstadt. Il fonde le groupe de rock In Spe et parallèlement commence à écrire une importante oeuvre instrumentale. En 1994 il obtient un Prix à la Tribune internationale de l’UNESCO à Paris avec son Requiem. De tous les compositeurs estoniens, Pärt excepté, Tüür est celui qui a obtenu la plus large reconnaissance internationale (Exitatio ad contemplandum, 1996, Concerto pour violoncelle et Lighthouse pour orchestre, 1997). Sa série Architectonics I-VII est un exemple remarquable de son style (1 CD FINLANDIA Rec.) qui toutefois est assez mouvant mais reste caractérisé par une remarquable dimension sonore et rythmique.
Urmas Sisask (né en 1960). Elève de René Eespere, il partage sa vie entre la création musicale et l’astronomie. Ses ouvrages pour piano Tähistaeva tsükkel(Le cycle du ciel étoilé 1987), Plejaadid (Les Pléïades 1989), Linnutee galaktika(la Voie lactée, pour deux pianos 1990), Andromeda galaktika (Andromède pour piano à huit mains 1989) appartiennent à cet aspect de la composition que contrebalancent des oeuvres d’inspiration religieuse et des pièces chorales.
Changeons d’optique
Après le découpage historique, parlons esthétique. Si on applique la même méthode grossière de classification aux styles, on peut dire qu’on part d’une musique influencée par le classicisme-romantique germanique avec Lemba (Symphonie, 1908) qui devient plus nordique avec Eller (Koit, 1918) l’introduction d’éléments estoniens n’apparaissant pas encore avec une très forte évidence. Cette évolution est un peu comme l’ombre de celle qu’on observe en Finlande. Uno Soomere parle d’un apport impressionniste et expressionniste dans les œuvres d’Eller (Fantômes, 1923) et d’Oja (Ilupoeem, 1930). Les éléments estoniens n’apparaissent réellement que dans les années trente avec Tubin (Suite sur des airs estoniens, 1929 – Deuxième symphonie, 1937), la Première symphonie de Eller (1936) une symphonie à programme d’Evald Aav (1938) et une grande partie de l’œuvre d’Ester Mägi (Vana Kannel 1985).
Si on connaît mal en France l’histoire de l’Estonie, cela ne signifie malheureusement pas qu’il ne s’y est rien passé. Seulement que l’histoire, qui ne retient que les événements internationaux marquants dans les pays dominants, ignore les peuples dominés et dont les héros sont anonymes. La situation des compositeurs contemporains y est identique à celle de toutes les élites culturelles de ce pays. Loin de se trouver devant un vide, ils sont plutôt confrontés à un trop plein d’influences diverses. Le défaut majeur de ces influences est d’être plus une superposition de références multiples et différentes dans le temps, la géographie, la politique, qu’un phénomène homogène.
L’Estonie d’après la guerre de 1939-45 est dans une situation peu enviable ; politiquement elle semble être loin de Moscou mais elle est envahie et trop petite pour résister culturellement comme la Pologne pouvait le faire avec son Printemps musical de Varsovie. Même la Tchécoslovaquie ou la Hongrie, avec leur riche passé musical n’ont pas réussi à surmonter les politiques culturelles imposées par Moscou. Les influences des esthétiques occidentales à la mode dans les années cinquante y pénétraient toutefois comme elles atteignaient la Russie et les républiques socialistes, polluant plus ou moins insidieusement le discours musical officiel. Après guerre, dans un contexte traditionnel et esthétiquement conservateur, on pouvait, comme le compositeur finlandais Kalevi Aho a tenté de le faire , noter les tendances suivantes :
• un terreau enrichi par des traditions nées dans les années 1840, et une forte implantation chorale héritée de la population d’origine allemande ;
• une tradition symphonique plus germanique que russe ;
• une référence nationale évidente mais bien difficile à concevoir sous la chape de l’esthétique jdanovienne ;
• des compositeurs assurant la transition : Veljo Tormis, Eino Tamberg, Jaan Rääts, Kuldar Sink et Eino Eller qui, par son enseignement, joue un rôle de passeur. À ces noms s’ajoutera bientôt celui d’Arvo Pärt.
Kuldar Sink (1942 – 1995), flûtiste et compositeur trop tôt disparu. Il a travaillé avec Veljo Tormis puis avec Andrei Petrov à Léningrad. Après avoir utilisé toutes les ressources des techniques contemporaines d’écriture dans les années 1960-80, il change brutalement d’orientation et se tourne vers une écriture mélodique influencée par l’Orient, le chant grégorien et les mélodies populaires estoniennes. De cette période datent le cycle Surma ja sünni laulud [Chants de la mort et de la naissance sur des textes de F. Garcia Lorca, 1987] et le ballet Maarjamaa missa [Messe du pays de Marie].
Autant dire que, dans le désert artistique des années de l’immédiat après-guerre, la découverte du sérialisme dodécaphonique par les jeunes compositeurs a pu produire des effets cataclysmiques, d’autant que cette période qui fut particulièrement agitée, entre autres en Suède et en Finlande, apportait avec elle d’autres influences esthétiques venues surtout des vainqueurs de la guerre, à la suite de Coca-cola et de Walt Disney. Erkki Salmenhaara, à qui nous nous référerons souvent a eu raison de remarquer qu’introduit brutalement, hors du fil naturel de l’évolution des styles régionaux, l’adoption du dodécaphonisme et du sérialisme n’était pas un objectif en soi mais un simple outil qui s’insérait au sein d’une palette d’autres outils artificiellement réunis, dans un but plus technique que stylistique . Salmenhaara écrit que c’est la visite de Luigi Nono à Tallinn qui a ouvert la porte aux principaux courants de la musique contemporaine occidentale mais l’Estonie ne fut toutefois pas marquée par ce nouvel académisme moderniste autant que d’autres pays sous d’autres conditions politiques.
C’est à ce monde nouveau, et sous la chape soviétique, que cette génération va se trouver confrontée. Parmi eux, le plus remuant sera le plus jeune, Arvo Pärt, qui jouera le rôle d”enfant terrible du pays (voir ici même l’article détaillé consacré à Arvo Pärt). En Estonie, Pärt sera accompagné dans cette évolution, qui n’est pas encore une révolution, par plusieurs de ses collègues.
Après plusieurs années de silence musical forcé, l’après-guerre se présente brutalement sous des aspects multiples. Le développement de la musique et de l’enseignement pendant les années de l’indépendance a probablement porté ses fruits et la situation est plus comparable à celle qui prévaut en Finlande ou en Suède qu’à celle d’une autre nation soviétique. Néo-classicisme, utilisation d’airs populaires estoniens, usage de l’aléatoire et influence des techniques dodécaphoniques voisinent avec un développement particulièrement important du chant choral. Kalevi Aho, pour sa part, trace un portrait varié des tendances esthétiques qui – s’il n’étonne pas le compositeur finlandais, habitué à cette superposition de styles dans son propre pays – ne correspond pas à la situation que nous avons connue dans les pays de l’Europe occidentale, plus particulièrement en France.
Parmi les compositeurs de cette génération on distingue surtout Tubin pour son œuvre chorale enracinée dans le passé finno-ougrien de la région de la Baltique et Pärt pour son extrémisme stylistique. Mais les autres styles se côtoient. Il y a les traditionalistes tonaux comme Eespere (qui entretient des liaisons avec le style des tintinnabuli de Pärt) et Mägi (également inspirée par le matériau des musiques traditionnelles), les folkloristes comme Saar, Kreek et Tormis, les exotiques comme Kuldar Sink, Rein Rannap ou Sven Grünberg (né en 1936, également intéressé par l’électroacoustique), les motoristes (Aho les appelle vitalistes) comme Rääts et son élève Kangro. Enfin, parmi ceux que Aho appelle les pluralistes, le néo-classique Eino Tamberg, le rocker Erkki-Sven Tüür, les compositeurs à facettes multiples comme Sumera et Vähi (ce dernier est sensible aux musiques extrême-orientales, au rock, au New-Age), le néo-impressionniste devenu ensuite plus lyrique Alo Põldmäe et les néo-expressionnistes Mati Kuulberg et Toivo Tulev. Terminons avec Arvo Pärt qui expérimente le premier le sérialisme dodécaphonique et une compositrice qui serait proche de Kaija Saariaho : Mari Vihmand.
Mati Kuulberg (1947- 2001), violoniste et compositeur qui a écrit surtout des oeuvres de musique de chambre. La musique traditionnelle estonienne, les musiques du Moyen-Âge, l’improvisation sont des sources d’inspiration pour des oeuvres techniquement très idiomatiques instrumentalement.
Mari Vihmand (née en 1967), est une des personnalités très intéressantes de la génération des jeunes compositeurs estoniens. Élève de Eino Tamberg et Lepo Sumera, elle travaille en France avec Gilbert Amy et Philippe Manoury. Récompensée par un premier prix à la Tribune de l’UNESCO en 1996 pour son oeuvre pour orchestre Floreo, elle rencontre le succès avec son opéra Lugu klaasist [Une histoire de verre, 1995].
Rein Rannap (né en 1953), pianiste et compositeur, il étudie le piano à Tallinn puis à Moscou, de 1991 à 1995 et la composition aux Etats-Unis. Compositeur aussi bien de musique savante que leader de groupes de musique rock, il s’intéresse aux musiques traditionnelles de son pays, mais aussi au jazz. On peut le considérer comme un des tenants du post-modernisme.
Helena Tulve (née en 1972). Successivement élève de Pöldmäe, Tüür et Jacques Charpentier au CNSM de Paris ou elle suit également les cours de Chant grégorien et participe à des stages de György Ligeti et de Marco Stroppa. Récompensée au concours de la Tribune de l’UNESCO de 1998 avec À travers, pour ensemble de chambre, elle compose actuellement surtout de la musique pour de petits ensembles.
Esko Oja (né en 1973). Élève de Sumera, Tamberg et Kangro, il écrit une musique principalement instrumentale et orchestrale qui cherche la limpidité et qui rencontre un succès certain en Estonie.
Ce texte, reproduit avec l’autorisation de l’auteur, est extrait d’un article intitulé « La musique estonienne du XXe siècle à la croisée des chemins », paru dans la revue Boréales, n° 86/89, 2002-2003.